La narration dont vous faites état est celle dans laquelle notre bien-aimé Prophète (que Dieu continue de nourrir son être, sa lumière et notre connexion à lui) a trouvé notre maître Omar ibn al-Khattab (que Dieu nous connecte à lui et à son héritage) en train de lire des feuillets de la Thora (et non des Évangiles), et où il lui a interdit de le faire. 

Il faut comprendre le contexte de cette narration pour pouvoir en comprendre les objectifs, et ne pas tirer de conclusion hâtive et y voir une interdiction globale à tous les muslims à travers les âges de lire les Écritures anciennes, notamment les Évangiles ou la Thora. 

Cette scène s'est déroulée à Médine, alors que la grande majorité des règles de loi (chari'a) que nous connaissons aujourd'hui n'avaient pas encore été révélées. Par exemple, le jeûne du mois de Ramadan ou encore le port du foulard (hijab) pour les femmes n'avaient pas encore été institués.

Dans cette ville de Médine où sont arrivés les immigrants (mouhajiroun) se sont rencontrées deux cultures bien différentes. Pour les Mecquois, le code d’honneur et les valeurs morales constituaient une vraie religion qui dictait leurs relations et les règles sociales implicites de la ville (relations hommes/femmes, éthique du commerce et de la parole donnée par exemple). Ce n'était pas le cas de Médine, ville plus agricole qui manquait de règles éthiques. 

Les choses étaient bien différentes, et cela dérangeait notre maître Omar ibn al-Khattab, lui qui aimait profondément sa religion et les valeurs morales. On peut dire que sa Mission de vie était déjà en train de l’appeler, lui qui sera par la suite le bâtisseur de la structure de la loi islamique, dont plusieurs civilisations vont s'inspirer par la suite.

Ainsi, devant certaines situations qui pouvaient aller par exemple jusqu'à l’escroquerie sur le marché ou l’adultère dans les foyers, chose qui était tout simplement impensable à la Mecque, notre maître Omar cherchait des réponses rapides à mettre en place. En observant les sociétés juives qui vivaient non loin de là, il est devenu admiratif de leurs règles et de leur rigueur. Et c’est pour cela qu’il consultait leurs Ecritures, afin de réfléchir à comment les appliquer à ses coreligionnaires. 

Cependant, le Prophète n’a pas validé sa démarche. Il s’en est montré très contrarié et lui a dit : "Que Fais-tu Omar ? Sache que si Moussa (que Dieu continue de nourrir son être et nous connecte à lui) était vivant, il me suivrait". En d’autres termes : N’essaie pas d’anticiper la Révélation, cesse donc d’être impatient ! Chaque chose viendra en son temps ! 

En effet, il y a une évolution, des étapes dans la Révélation. Les règles de droit ont majoritairement été révélées les deux dernières années avant le départ du Messager de Dieu (que Dieu continue de nourrir son être, sa lumière et notre connexion à lui) jusqu’au jour du Pèlerinage d’adieu où a été révélé le tout dernier verset : “aujourd’hui, J’ai rendu votre religion complète”. 

Car le but n’était pas de bâtir une structure “parfaite” dès le début, qui aurait au final poussé les gens à l’hypocrisie ou à appliquer des routines vides. Il s’agissait avant tout de bâtir le spirituel et la morale, de bâtir des personnalités vivantes qui aimeraient leur Seigneur et travailleraient à se développer en tant qu’êtres humains, comme nous le montre le premier sermon du Prophète à Médine où il a dit : "Aimez Dieu de tout votre coeur et de toute votre âme, aimez ce que Dieu aime, et aimez ceux que Dieu aime (en d’autres termes, aimez-vous les uns les autres)”.

Ainsi, on voit que ce n’est pas la lecture des Écritures en elle-même que le Prophète a interdite, mais plutôt cette anticipation qui n’avait pas lieu d’être, et d’ailleurs, il avait même parmi ses compagnons des personnes missionnées pour étudier la Thora et des Évangiles, dont il avait classé les écrits en trois catégories à distinguer : 

• D’une part, les enseignements spirituels, éthiques, et moraux, pour lesquels il a dit : “prenez les enseignements des Gens du Livre sans problème”. Il a même dit à ses compagnons : “Allez chercher la Sagesse et la Maîtrise spirituelle et morale, la science de la maîtrise de soi pour devenir une personne mature (hikma), même jusqu’en Chine”, pays où il n’y avait ni juifs ni chrétiens. Ce qui nous montre que la sagesse universelle peut être cherchée partout, où qu’elle soit. 

• D’autre part, les écrits qui évoquent la loi, pour lesquels il a fermé la porte, car le Qor’an est venu libérer les gens des carcans et des chaînes des limitations injustes et exagérées que les enfants d’Israël se sont imposés au fil du temps, jusqu’à en faire des obligations. 

• Enfin, les histoires de la Création et des Prophètes (l’exode, le livre de la genèse, etc) pour lequel il a adopté une posture intermédiaire entre les deux précédentes. Il a dit : “pour ces histoires qu’ils racontent, ne les croyez pas, mais aussi, ne les traitez pas de menteurs”. Et on peut interpréter cette phrase de deux manières. Peut-être a-t-il donné cette recommandation car il s’y trouve des histoires forgées héritées des mythologies persanes ou gréco-romaines qui sont entrelacés avec des éléments de Vérité. Ou peut-être a-t-il parlé ainsi car ce sont des histoires à lire à un niveau très symbolique pour lequel ses compagnons n’étaient pas encore prêts ni outillés.

Hamdi ben Aissa

Le 24/12/2021