Cher père...

hommage vivre en harmonie avec le divin Apr 15, 2022
 
Aujourd'hui, nous sommes le 15 avril et le quatorzième jour du mois de Ramadhan. Quarante jours se sont écoulés depuis ton départ le 6 mars dernier…
 
Aujourd’hui, c’est également le jour de mon anniversaire, un jour que tu m’as encouragé à célébrer, et que tu m’as même montré comment célébrer : en exprimant ma foi dans la joie et ma joie dans la foi à travers le Dhikr (les exercices de développement de conscience), les louanges et les prières…
 
Les souvenirs ne cessent de revenir à la surface depuis ton départ… Je te revois tel que tu as toujours été, un homme simple et beau qui chantait Dieu et qui chantait pour Dieu tout le temps et en toute occasions, et ce jusqu’à ton dernier souffle… Quelques heures avant ton départ, alors que le bateau qui t’a porté durant 86 années s’épuisait et s’apprêtait à lâcher, tu chantais Dieu avec une très belle mémoire, aussi engagé que tu pouvais l’être avec le peu d’énergie qui te restait, et avec la meilleure voix qui pouvait sortir de ce si beau bateau pourtant si vieux et fatigué…
 
 
 
Peut être une image de 1 personne, position assise et intérieur
 
 
Je me rappelle de ces longues marches vers le marché qui n’était pourtant pas très loin, mais le trajet était toujours allongé par les gens qui venaient t’arrêter tous les dix mètres pour te saluer et pour te poser une voire plusieurs questions... Parfois des questions relatives aux rituels, parfois au spirituel, parfois au personnel… Parfois aux règles du droit de la famille, parfois au droit des successions… Le parcours de quinze minutes pouvait bien prendre trois heures ou plus ! C’était éprouvant pour l’enfant impatient que j’étais, mais c’est de cette façon, en t’observant et en restant à tes côtés, que j’ai appris les règles de la religion, ainsi que l’art d’écouter et l’art de répondre avec générosité et précision.
 
 
 
Peut être une image de 1 personne, enfant, position debout et plein air
 
 
 
Je me rappelle de ta réponse qui le plus souvent était « labaas » : « pas de problème » ! A tel point que lorsque j’ai commencé à étudier la religion de mon côté, j’ai tout d’abord trouvé tes réponses laxistes… Avant de comprendre. En étudiant de manière plus profonde, j’ai compris que chacune de tes réponses provenait de la source de la sagesse prophétique, et que tu suivais l’exemple du Bien-aimé (que Dieu continue de nourrir son être, sa lumière et notre connexion à lui) qui a répondu sans cesse à la majorité des questions le jour du grand Hajj : « la haraj », ce qui veut dire « pas de problème » ou encore « sans complications »…
 
Tu cherchais toujours la facilité pour les gens et comment faciliter leur vie. Tu répétais souvent « la religion est facile et doit être vécue dans la facilité »… Tu n’aimais pas les complications que les gens aiment s’infliger parfois ni les chemins tordus que certains aiment prendre. Tu aimais la simplicité et la modestie en toute chose, dans la religion comme dans la vie, dans le repas comme dans les habits, dans la construction comme dans l’ameublement et toutes les choses matérielles, dans l’apparence comme dans le fond, dans la parole comme dans la pensée… Et tu n’hésitais pas à montrer ton rejet du contraire !
 
Même dans ta résistance et dans ta lutte contre le pouvoir étatique clairement anti-religieux, tu n’aimais pas les complications et les slogans. Même là, dans ton positionnement clair et fort, tu as refusé d’intégrer aucun groupe, système ou mouvement d’opposition politique. Ta lutte et ta résistance étaient pourtant réelles et menées avec beaucoup de courage et de bravoure !
 
Ce n’était pas facile ni simple pour moi d’accepter et d’apprécier cette simplicité et cette modestie, moi qui voulais te trouver dans l’image, moi qui cherchais inconsciemment à te mettre dans un cadre, celui du « savant » ou celui de « l’homme de Dieu »… Mais tu sortais de tous les cadres et tu les brisais même à chaque fois, jusqu’à ce que j’ai enfin pu apprendre à aimer ta vie et ta réalité telle qu'elle est vraiment. Et j’ai fini par réaliser que tu étais bien plus grand que tous les costumes officiels et tous les turbans… Bien plus grand que l’image des grands shouyoukh et savants de religion officiels parfois… Tu as toujours refusé qu’on réduise la Grâce de Dieu à une personne, un groupe, une institution ou une école de pensée… Tu insistais pour qu’on reste libres et ouverts, pour que l’on puisse reconnaître et apprécier le bien là où il se trouve et d’où qu’il vienne…
 
 
 
Peut être une image de 2 personnes et personnes assises
 
 
Alors mon très cher père, je t’écris aujourd'hui pour te dire merci… Merci de m’avoir montré l’esprit vivant de la religion. Merci de m’avoir appris la religion au-delà des appellations sophistiquées et des noms propres. Merci d’avoir brisé les idoles et gommé toutes les images… Merci de m’avoir appris la religion dans la beauté et la simplicité et de m’en avoir montré sa beauté et sa simplicité. Merci de m’avoir montré le chemin simple et beau, celui de célébrer la foi dans la joie et de vivre la joie dans la foi. Merci de m’avoir permis de voir que Dieu peut être aimé et que Dieu peut être chanté… Merci de m’avoir montré comment chanter Dieu, Ses Louanges, Sa Parole et Son Prophète. Merci de m’avoir fait aimer le dhikr. Merci de m’avoir fait découvrir et aimer le Hizb al Bahr de l’Imam ach-Chadhouli... Merci de m’avoir montré que la religion est simple et belle et qu’elle doit se vivre de manière simple et belle… Merci d’avoir été qui tu es, tout simplement.
 
Merci pour ta bonté naturelle et pour la beauté de ton âme qui se sont révélées encore plus vers la fin de tes jours.
 
Merci pour ton authenticité et merci pour ton courage.
 
Mon cher père, ton départ m’a plongé dans une profonde introspection… Tu es né un jour d’avril 1936. Aujourd’hui pourrait bien être ton 86ème anniversaire, qui sait ? Ce qui est sûr, c’est que je suis moi-même né le 15 avril 1979, à l’occasion de ton 43ème anniversaire… Et qu’aujourd'hui, c’est bien mon 43ème anniversaire que je célèbre. Dieu a voulu que tu partes en cette année 2022, alors que tu as exactement le double de mon âge, comme pour m’annoncer que je suis à mi-chemin de la vie ou à mi-chemin vers la mort… Bien que je n’ai pas l’espoir ni le désir de vivre encore 43 ans…
 
 
Peut être une image de plein air
 
 
Quel sentiment étrange que de se sentir à mi-chemin de sa vie… à mi-chemin du tombeau. Un sentiment étrange de me voir en toi et te voir en moi. Je remercie Dieu pour cette chance qu’Il m’a offerte d’avoir pu passer du temps avec toi lors de tes derniers jours. J’ai entendu tes dernières paroles, j’ai même témoigné de ton dernier souffle, et je me suis projeté dans mes derniers moments… Quand et comment vais-je quitter ce monde, cher père ? Seul Dieu le sait… Qu’Il nous pardonne et nous offre une bonne fin. Qu’Il nous accorde Sa Paix en ce monde et après Amin
 
Mon cher père… Bien que j’ai retardé cette eulogie jusqu’à maintenant, les mots ne sont pas encore libérés et je peine à vraiment dire ce que j’aimerais dire… On dirait que ta simplicité et ta modestie s’imposent à moi, et qu'elles se sont saisies de cette plume… Dissimulé tu as vécu, et dissimulé tu voudras bien rester. Que Dieu te couvre de Sa Grâce et que ton secret sanctifié soit bien gardé.
 
Voilà simplement…
Paix à ton âme en ce jour et paix à ton âme tous les jours…
 
 

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