La graine

se développer en tant qu'être humain Nov 03, 2021

 

Après avoir semé ses graines, 

Le laboureur constatant un retard de germination,

et la sécheresse de son sol

décida de travailler la terre,

anticipant ainsi l'arrivée des eaux salvatrices venant des cieux. 

 

Il se dit :

"Mes graines ainsi logées dans cette terre asséchée

respireront

et auront une chance d’être mieux disposées, 

et de bénéficier de la grâce annoncée :

Une pluie prochaine.

 

La charrue de notre fermier brassa la terre et fit trembler le sol tout autour des graines

Certaines graines étaient très heureuses, certes.

Réveillées par la belle opportunité de réaliser qui elles étaient, et ce pour quoi elles étaient là. 

Ah... l’odeur de la brise qui précède la pluie!

Celle qui éveille en elles la soif, et la vie.

 

Nature, Paysage, Le Printemps

 

Dès lors, le cœur de nos graines se remplissaient de gratitude envers ce laboureur appliqué à son labeur, et envers cette charrue. 

 

Une graine, une seule, s’aventura hors de la terre,

Et s’accrocha à la charrue.

Cette seule graine ne voulut plus revenir au sol qui l'avait jadis assoiffée et aliénée. 

Elle sentit les vents autour d’elle et dit triomphalement  :

 “Quelle grande libération !

J’étais en prison

Sous pression

Et dans l’obscurité!

Et maintenant ? Regardez, 

Observez ! Et applaudissez ! 

Me voici dans la lumière et sa clarté,

Tous ces jours j’étais privée, 

De ce soleil, de cet air et de cette beauté !

 

La graine s’agrippa à la charrue qui continuait de la porter toujours plus loin, plus loin… et encore plus loin... 

Jusqu’à ce qu’elle quitte le lopin de terre pour de bon, et n'y revienne plus. 

 

En fin de journée, notre graine se retrouva 

expulsée de la charrue

sur un sol de ciment, aux côtés des autres outils agricoles.

Là, elle se détendit et s'allongea sur ce sol.

La graine était soulagée. 

Elle se sentit libérée.

Adieu vile pression et ancienne vie !

Elle eût même quelques pensées de pitié

vis à vis de ses amies les graines laissées derrière elle,

Dans le noir de l’obscurité du sol. 

 

Que ne fut-elle surprise, 

De la force, non pas de la brise,

Mais du tonnerre et de sa foudre

Qui la menaçaient à se résoudre,

Mais motivée et déterminée,

Elle savait que la pluie suivrait.

Heureusement, la pluie finit par tomber. 

 

 

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Notre graine, ravie de cette averse,

Sautillait çà et là, sous les gouttes diverses,

Nageait même ici et là dans des flaques disperses,

Se débarrassant de la boue et de la terre

Dont les traces lui rappelaient sa vie austère. 

S'admirant dans le miroir de l’eau, elle ne put se taire : 

 

"Merci mon Dieu ! Quelle belle vie j’ai maintenant ! 

Et quelle vie de misère j’avais avant, 

Avec mes sœurs les graines et notre vie d'enterrement !"

 

Au lever du soleil le jour suivant,

Les autres graines étaient en train de changer de vie,

Elles germaient ! 

Elles découvraient ce nouveau potentiel en elles-mêmes, pleines de gratitude, une gratitude qui avait transformé la douleur de la croissance et de la patience en une immense joie. 

La pluie qui était tombée le jour précédent,

Leur avait offert sagesse et confiance, envers le laboureur. 

Et quelque chose à l’intérieur d'elles, leur disait qu’elles étaient en train de devenir des pousses, et qu’elles renaîtraient dans un nouvel horizon d’existence. 

 

Germination, Arbrisseau, La Graine

 

Notre graine, l’autre graine,

Admira la beauté du lever de soleil

et fut fascinée !

Elle fut saisie par la vue de la lumière,

Enchantée de la manière dont la chaleur des rayons caressaient son petit corps. 

 

Elle se dit :

"Ah ! C’est cela l’illumination !

Enfin, je suis passée de l’obscurité à la lumière.

Toutes les autres graines en parlaient tout le temps : entrer dans la lumière. 

Ce doit être l’illumination !

Oui ! Enfin, je vois clairement ! "

 

Notre graine ne savait pas 

que ce n’était qu’une question de temps 

avant que les poules ne se lèvent 

et ne se montrent reconnaissantes pour le festin du matin.

 

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Ou encore que la chaleur du petit matin 

Ne se transforme en chaleur caniculaire 

Et que, sous cette pression,

Notre petite graine ainsi exposée 

Ne finisse brûlée, calcinée,

En poussière, évaporée,

Avant la fin de la journée

 

Leçon :

Mon enfant, sache que la lumière n’est pas chose qui se consomme, mais plutôt une chose par laquelle on vit, une chose que l’on embrasse et que l’on intègre. Ce n’est pas un plaisir extérieur. La graine qui ne vit pas la lumière va la subir et finir par s’effriter en s’y exposant. Mais, si la même graine est placée dans un pot, elle bénéficiera de la lumière car elle devient alors réceptrice de lumière. 

Ainsi, il ne faut jamais chercher l‘illumination avant de devenir un porteur de lumière. Car à force de chercher sans cesse des circuits courts, on finit tout simplement par se court-circuiter. 

 

La lumière donne vie aux pousses

les aidant à grandir.

A condition que la graine fasse preuve d'assez d'humilité pour accepter d'être enterrée, et patienter pour croître. Son arrogance lui a fait perdre sa chance de vie. 

 

Sois prudent.

S’extraire du cadre du prêt à penser et s’émanciper des idées conventionnelles

n’est pas la même chose

que s’extraire et s’émanciper du pot ou du terreau dans lequel tu as été planté.

 

Les deux peuvent te donner le même sentiment de liberté au début, mais n’aboutissent pas à la même fin.

S’extraire du pot, du cadre dans lequel tu es supposé te soumettre au processus que tu as choisi pour ta propre croissance, te sera préjudiciable.

 

Ne pas se montrer patient,

Ne pas s’accrocher à la communauté,

Ne pas envisager le processus jusqu’à sa fin,

N’est pas un éveil ou une vertu,

C’est de l’étroitesse de vue.

 

Sortir d’une secte 

n’est pas la même chose que

Sortir d’une culture.

 

Sortir du cadre du prêt à penser

n’est pas la même chose que sortir du pot ou du terreau 

qui a été conçu et travaillé pour te faire grandir.

 

Échapper à un criminel qui tente de te tuer 

n’est pas la même chose que d’échapper 

au chirurgien qui tente de te soigner…

 

Maintenant, mon enfant, si tu parviens à sortir du cadre, 

Si tu te retrouves  affranchi de ses limites, assure-toi d’embrasser la main du fermier qui t’en a sorti. 

Fais lui confiance lorsqu’il te jette dans le lieu de croissance,

lorsque tu te retrouves dans la noirceur de la terre

ne te précipite pas à dire : “Oh, me revoilà dans l’obscurité,

ce n’est pas ce que j’ai demandé !”

 

C’est à travers cette obscurité apparente, l’obscurité de la terre nourricière, que tu trouveras la lumière. 

L’obscurité et la pression de la terre sont nécessaires pour te transformer en un récepteur de lumière, et pour t’aider à vivre par cette lumière.

 

Pour l’instant, embrasse cette pression et cette humidité sombre jusqu’à ce que tu pousses.

Laisse le milieu de la terre te métamorphoser en la personne que tu es sensé devenir. 

 


 

Poème de Sh. Hamdi ben Aissa écrit en décembre 2019

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