Le voyage du mois de Ramadan

développement spirituel ramadan vivre en harmonie avec le divin Apr 14, 2021

 

 

L’Islam est une religion au sens premier du terme, c’est à dire une démarche de re-connexion, de re-liaison avec le Divin. Il s'agit d'une Voie, dans le sens d’un voyage à entreprendre, un projet de transformation intérieure, un cheminement spirituel.

Sur ce chemin, toutes les actions qui nous ont été laissées en héritage par notre bien-aimé Prophète Mohammed (que Dieu continue de nourrir son être, sa lumière et notre connexion à lui), le Messager qui a eu la mission de nous montrer cette Voie, sont des exercices d’expression mais aussi de cultivation de réalités intérieures. Ces actions viennent jouer le rôle de station de service sur le chemin, de lieux où l’on vient “faire le plein” en quelque sorte. On y vient faire le point sur le chemin parcouru, prendre des forces, mais aussi travailler son enracinement et développer certaines qualités, certaines aptitudes.

Parmi tous ces actes, se trouve l’exercice de détachement des besoins physiques (sawm) du mois de Ramadan, ce voyage qui symbolise notre passage sur terre, qui vient comme un rappel du fait que notre existence terrestre n’est qu’un passage, un voyage, et au sein duquel chaque jour est une opportunité dont il faut profiter avant qu’elle ne nous quitte. Chaque jour de ce mois, nous consacrons plusieurs heures à la route, et d’autres moments au repos et au ressourcement. Le point de départ de ce périple, c’est l’humain, et la Destination, c’est Dieu Lui-même. Car, nous allons le voir, il s’agit de chercher l'Éternel et le spirituel à partir du physique et du temporel.

 

 
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VOYAGE OU FLÂNAGE ?

Pour continuer sur le thème du voyage, nous pouvons nous pencher sur le terme arabe “siyaha” qui signifie “voyage”. De la même racine que celle de ce terme est formé le nom “al-Massih”, qui est un des noms du Prophète Jésus (que Dieu continue de nourrir son être et notre connexion à lui). Et en effet, il était le voyageur par excellence, toujours en mouvement, de village en village, de ville en ville, de famille en famille, de tribu en tribu. Il passait son temps à offrir sa présence de Grâce à tout le monde, et à inviter les gens qu’il rencontrait à suivre la Voie, à entreprendre le voyage du monde physique et temporel vers le monde spirituel et éternel.

D’ailleurs, notre Maître Jésus était également réputé pour être un homme qui mangeait très peu, il était très souvent en état de “sawm”, cet exercice de détachement des besoins physiques auquel nous sommes invités durant le mois de Ramadan.

Pour revenir au mot “siyaha”, il est plutôt utilisé aujourd’hui pour désigner le tourisme moderne que l’on connaît partout dans le monde, mais qui est en réalité devenu plus du flânage que du voyage… Et ceci est bien normal : si on ne connaît pas son but, si on ne sait pas pourquoi on se déplace, et si on ne sait même pas qui on est en réalité, on finit par ne rien faire d’autre que flâner (dans le meilleur des cas).

 

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Il y a donc certains impératifs à remplir pour qui veut entreprendre un vrai voyage. Si tu veux voyager, le tout premier prérequis, avant même de te rendre à l’agence de voyage pour réserver tes billets, c’est de savoir qui tu es. Tu dois être sûr de ton identité, et avoir ton propre passeport à ton nom, et non pas au nom de quelqu’un d’autre. Ensuite, il faut aussi que tu saches où tu vas, car l’agent de voyage ne peut te donner un billet pour “destination inconnue”. Tu dois au préalable définir ta destination, préciser la nature de ta quête pour élaborer un plan et te projeter. Et ce n’est qu’une fois que tu seras en mesure de fournir toutes ces informations que l’agent de voyage pourra t’aider.

 

 

VOYAGE OBLIGATOIRE

En ce qui concerne l'islam et le domaine religieux en général, le flânage n’a pas sa place. Seul le voyage est permis. Tu ne peux te permettre de flâner, d'errer sans but, sans savoir pourquoi tu es là, car celui qui ne connaît pas sa finalité et qui s’aventure dans l’expérience religieuse devient dangereux pour lui-même et pour les autres. S’il ne comprend pas que la religion est, comme nous l’avons vu, un voyage, un cheminement, il va finir par en faire une identité politique, raciale ou encore une idéologie. Et là, il devient dangereux pour lui-même et pour ceux qui sont autour de lui.

En tant qu’êtres humains, nous sommes tous porteurs de deux choses qui n’ont de cesse de s’affronter en nous-même : d’un côté, une force de vie qui ne demande qu’à germer et pousser dans la lumière, et de l’autre côté une attraction vers la mort, un poids qui nous alourdit et nous tire, nous aspire vers le bas. C’est ce poids mort en nous qui génère cette tendance humaine à vouloir échapper à la conscience et à vouloir tomber dans l’inconscience, à vouloir se figer et figer aussi les choses autour de soi, alors que la vie est mouvement et évolution, la vie est voyage par définition.

 

Lac, Le Coucher Du Soleil, Rochers

 

En ce qui concerne la religiosité, ce poids mort peut se manifester sous la forme d’un formalisme, de routines mortes, d'habitudes non conscientes. Et c’est comme cela que l’on transforme des actes qui devraient être des rituels sacrés transformateurs en routines vides, en formes sans fond, sans effet sur soi et sur sa personnalité.

Ainsi, celui qui veut vivre son voyage du mois de Ramadan doit chercher à répondre à ces questions : qui suis-je ? Quelle est mon identité ? Puis, dans un second temps, quelle est ma destination ? Où est-ce que je vais ? Et comment vais-je m’y rendre ?

 

 

QUI ES-TU ?

Nous l’avons vu, impossible de voyager pour celui qui n’est pas au clair sur son identité… Et on voit bien combien notre époque souffre de ces questions identitaires, placées au centre de tant de débats. Il est absolument nécessaire de prendre le temps de s’interroger, que chacun puisse enfin trouver réponse à ces questions qui agitent tant notre époque : qui suis-je ? Quelle est mon identité ?

Notre bien-aimé Prophète Jésus (que Dieu continue de nourrir son être et nous donne un vrai lien avec lui), que nous avons déjà mentionné, nous donne ici la réponse. Lorsque sa sainte Mère s’est présentée au monde tenant dans ses bras son bébé miraculeux, il lui a été posé la même question : “qui est-il ?”... Alors investie dans une forme de consécration qui consistait à s’abstenir de parler aux êtres humains, elle n’a pas répondu à cette question. Dieu a fait que ce soit le nourrisson lui-même qui réponde d’une voix claire, venue dans un moment d'ivresse, un moment de grande théophanie, de miracle. Il a répondu : “Je suis Abdullah !”

 

 

  • Abdullah

 Voilà sa réponse. Tout simplement. Il n’a pas dit “je suis Jésus, fils de Marie”, “je suis chrétien”, ni même “je suis muslim”... Non, il a répondu clairement : je suis “Abdullah” ! Voilà un terme auquel on doit donc s’intéresser tout particulièrement…

“Abdullah” peut être traduit par “esclave de Dieu”, ou “serviteur de Dieu”, ce qui, en effet, décrit une des réalités de ce terme. Mais cela va plus loin que cela, en vérité. Ce qu’on remarque dans cette réponse, c’est que Jésus choisit de se définir par Dieu et uniquement par Dieu. Comme s’il disait : “vous vous demandez qui je suis ? Je suis qui je suis… Je ne suis que la commande et le verbe de Celui qui m’a dit “sois”, pour que je puisse être ! Donc, en réalité, je ne sais pas qui je suis. Et vous non plus, vous ne savez pas qui je suis. Demandez plutôt à Dieu qui je suis, il est le Seul à pouvoir répondre à cette question, le Seul à pouvoir me définir car mon identité est liée à Lui !”

 

illustrations, cliparts, dessins animés et icônes de la-ilaha-illallah-muhammadur-messenger - la ilaha illallah

 

Jésus se définit donc par rapport à son Seigneur. Il est Abdullah : il est le porteur du secret, le porteur de la Réalité de “la ilaha illAllah”, cette attestation qui commence par une négation. Il est celui qui résiste au faux (la ilaha) et qui s’ouvre au Beau (illAllah)... Celui qui nie la fausseté et qui accepte la Vérité. Il est “Abdullah” : sans nom, et sans image. Il n’est pas figé dans une identité temporaire ou temporelle, pas figé dans une image que les autres veulent se faire de lui et dans laquelle ils auraient voulu l’enfermer.


  • Le cheminement (‘Ibada) ou le refus de toutes les fausses identités

Voilà quelle est notre identité réelle, à tous, en tant qu’êtres humains. Voilà à quoi consiste le cheminement, ce que l’on appelle “‘ibada” en arabe, et qui a la même racine que le mot “‘Abd”... La “‘ibada”, c’est le cheminement, c’est le fait de vivre sa vie dans le refus de toute autre identité que celle du Abdullah !

Il faut comprendre que l’enjeu est de taille… Car en réalité, tout autour de nous, et même aussi en nous, cherche à nous définir, à nous réduire, à nous enfermer, à nous limiter. Chaque moment, chaque instant, chaque expérience veut te définir. Chaque maladie, chaque limite, chaque peur, chaque trauma, mais aussi chaque qualité que tu trouves en toi et chaque succès veut te prendre tout entier, et te pousser à te définir par lui, te limiter.

 

Humain, La Traite, Geôle, Emprisonné

 

C’est là que se trouve en réalité le cœur de ce que l’on appelle “shirk”, traduit le plus souvent par “associationnisme"... Un mot un peu abstrait qui en réalité fait référence à la notion de concurrence.

Car la question est : mets-tu Dieu en concurrence ? Est-ce que tu donnes à quelqu’un ou à quelque chose l’autorité de te définir, de dire qui tu es à la place de Dieu ? Et as-tu fait de cette définition limitée et limitante ton identité ? Est-ce que tu t’es enfermé dans une cage, dans une image ? Est-ce que tu dois maintenant tout mettre en œuvre pour plaire à cette fausse autorité et conserver cette identité factice ?

Que cette autorité soit quelqu’un qui te maudit, ou quelqu’un qui t’applaudit, c’est la même chose ! La réalité est la même : les deux te voient à travers un prisme. Les deux ont une perception biaisée de toi. Les deux ne te voient pas, les deux ne te connaissent pas, les deux ne savent pas d’où tu viens, ni où tu vas, que ce soit dans le monde des réalités ou dans le monde des projections...

En réalité, il est extrêmement tentant de se laisser aller à accepter ces fausses identités, d’en faire des zones de confort. On peut être facilement attiré par cette facilité de se laisser définir par une image de soi-même, un instantané pris à un instant T, quel que soit cet instant d’ailleurs : réussite, échec, joie, tristesse, péché ou moment de repentir… qui nous dit : “voilà, c’est toi ! Voilà qui tu es, tu es comme ça !”... On pense avoir enfin trouvé le repos, on pense pouvoir “lâcher prise”... Mais il s’agit dans ce cas particulier plus de lâcheté que de lâcher-prise… Et c’est ainsi qu’on arrête de grandir, qu'on se fige, qu’on se contente d’une version de soi-même totalement diminuée, ratatinée…

Nous devons être conscients que toute autre identité que celle du ‘Abdullah est limitante. Toute autre identité est trahison de notre floraison intérieure. Toute autre identité est une mort qui menace notre vie intérieure, celle de la graine de connaissance de Dieu dont nous sommes tous porteurs.

Alors, tu dois te positionner, ma sœur, mon frère. Positionne-toi. Engage-toi. Refuse toutes les propositions, toutes les projections, toutes les images qu’on te propose de toi-même, celle du toi confus, du toi vaincu ou même vainqueur, du toi perdu, du toi douteux, du toi faible ou supposément fort… Tout cela, ce n’est pas toi. Toi, tu ne peux te définir que par Lui : tu es fort tant que Tu appartiens au Fort ! Tu es puissant tant que ta puissance te vient de Lui ! Tu es grand tant que Tu t’accroches à Sa Grandeur ! Tu n’as pas d’image tant que tu es à Son Image ! Ce qui revient à être au-delà de toutes les images, en dehors de toutes les cages.

 

Decision, Path, Signpost, Crossing

 


  • La ilaha illAllah, Mohammed RasoulAllah

L’enjeu du cheminement, l’enjeu de la “‘ibada”, est de lutter contre ce poids de la mort qui veut nous couper les ailes et nous rendre immobiles et bloqué dans cette illusion de l’image. C’est de lutter pour notre identité, pour pouvoir la vivre. C’est choisir Dieu et uniquement Dieu, Lui qui ne voudra jamais nous limiter, Lui qui nous connaît mieux que nous-mêmes et qui veille sur notre croissance. Lui qui veut nous voir grandir et devenir plus grands que les cieux et que la Terre… En effet, n’a-t-Il pas dit :

 

“Ni les Cieux, ni la Terre ne peuvent me contenir, seul le cœur de Mon Serviteur et Elève (“‘abd”) peut me contenir”

 

Voilà le Projet Divin pour l’être humain. Et pour ce faire, pour nous permettre de parvenir à vivre en tant que porteurs des réalités de “la ilaha illAllah”, Dieu nous a donné la marche à suivre, Il nous a offert une méthode, une voie qui se trouve dans “Mohammed RasoulAllah” : la Voie de la perméabilité complète à la Lumière et à la Présence Divine (islam) que nous a légué le dernier Messager, notre Bien-aimé Mohammed (que Dieu continue de nourrir son être, sa lumière et notre connexion à lui), lui qui fut le meilleur porteur de ces réalités.

 

 

Maintenant que tu sais qui tu es, il est temps de t’interroger sur ta quête. Que cherches-tu en t’investissant dans cet exercice communément appelé “jeûne”, et qui est dans les faits un exercice de consécration et de détachement de nos besoins physiques du mois de Ramadan ?

 

Quête, Aventure, Planification

 

 

QUELLE EST TA DESTINATION ?

 

  • Les secrets du mois de Ramadan

S’intéresser à ce qu’on appelle les “secrets” du jeûne ou du mois de Ramadan ne revient pas à essayer de dévoiler son mystère. Il s’agit plutôt d’essayer d’en apprendre un peu plus à son sujet afin que le mystère devienne encore plus grand à nos yeux… Car nous allons voir qu’il y a un positionnement rationnel à adopter lorsqu’on se lance dans une telle aventure. Seule une raison arrogante aimerait voir la Réalité cachée et l’essence des choses à sa façon et se dire qu’elle a tout compris, qu’elle est arrivée à cerner le monde caché, alors que tout l’objectif de ce chemin rationnel est de rendre la raison humble, prosternée devant Dieu et les mystères, consciente qu'elle ne pourra jamais saisir ni comprendre qui est Dieu.

Le Prophète Mohammed (que Dieu continue de nourrir son être, sa lumière et notre connexion à lui) a dit :

 

"Si vous essayez de compter les Faveurs et les Grâces de Dieu envers vous, vous n’en serez pas capables.”

 

Voici donc l’invitation : essayer de dénombrer Ses Bienfaits (ni’ma), pour finalement parvenir à la réalisation du fait c’est tout simplement impossible, et qu’en réalité, toute Faveur relève du mystère… En effet, qu’est ce qui n’est pas mystérieux ou miraculeux autour de nous ?

Il existe deux façons de s’approcher du mystère. Tout d’abord, la façon dogmatique : on le regarde de loin, sans jamais s’en approcher. On en fait un objet d’étude qu’on place à distance, puis on fait tout pour le démystifier et on ne l'approche jamais en réalité, par peur de ce mystère.

Puis il y a la façon de l’amoureux, la façon prophétique : on s’approche du mystère, en toute humilité et reconnaissance, puis on commence à gratter un peu la surface, non pas par arrogance, non pas pour se l’approprier ou revendiquer une supériorité quelconque par la suite, non… On le fait pour tomber ou plutôt pour s'élever en amour avec le mystère, pour s’en approcher. Là, le mystère lui-même ne cesse de devenir encore plus mystérieux à nos yeux, ce qui vient renforcer et développer encore plus notre amour et notre désir de nous en approcher… Et ainsi de suite, toujours de façon exponentielle et perpétuelle, et ce jusqu’à la fin des temps.

 

Mer, Manglier, Avant Le Lever Du Soleil

 

 

  • Pour trouver le secret, cherche la finalité

Pour chercher le sens du mois de Ramadan, nous pouvons nous intéresser aux termes arabes qui désignent les exercices de renforcement spirituel et de développement de conscience qui rythment le chemin vers Dieu. Nous allons évoquer ici les actes qui sont connus comme étant les “cinq piliers” de l’islam (chahada, salât, zakât, sawm, hajj), et nous allons voir que, malheureusement, les termes qui ont été choisis pour traduire ces noms en langue française (attestation de foi, prière, aumône, jeûne, pèlerinage) ne permettent pas d’emblée d’en saisir la portée, le potentiel.

En effet, souvent, les mots français se contentent de décrire l’action en elle-même, l’exercice auquel on se prête, alors que les termes arabes choisis par Dieu Lui-même viennent certes désigner l’action, mais mettent surtout le focus sur la finalité de chacun des exercices. Il est à noter que cette tendance à perdre des significations dans la traduction ne se constate pas que dans ces cinq termes-là, mais que nous les donnons à titre d’exemples significatifs.

Prenons l’action qui a été nommée en français “attestation de foi”. En arabe, elle se nomme "chahada", ce qui signifie “être dans un état de contemplation”, “voir qu’il n’y a que Dieu qui puisse être notre centre d’attention et d’intérêt, notre Amour suprême".

 

Des Roses, Pétales De Rose, Fleurs, Rose

 

L’action de prononcer ces mots vise cette finalité-là, celle de vivre cette réalité du Abdullah que nous avons évoquée plus haut, passer de l’attestation au témoignage, à la contemplation de la Réalité suprême.

Le terme arabe pour désigner la prière rituelle est le mot “salât”, qui veut dire littéralement : “connexion” ou “lien”. L’exercice consiste en effet à prier, à faire certains mouvements bien précis et à réciter les Paroles de Dieu Lui-même, mais la finalité, c’est le lien, la connexion avec Dieu.

Prenons maintenant l’exercice appelé en français “aumône”. En arabe, il se nomme “zakât”, qui veut littéralement dire “purification”, car c’est là ce que l’on vise comme finalité dans cet acte, cet exercice de faire la charité ou de donner l’aumône : se purifier, s'élever en se détachant de la matière, en faisant la charité ou en donnant l'aumône" .

Le “pèlerinage” n’est pas en reste. Ce terme français décrit le voyage, le fait de se mettre en chemin physique pour aller à un endroit précis, alors que le terme “Hajja” en arabe veut dire “atteindre la vérité absolue et suprême”. Le “Hajj”, c’est atteindre le plus haut niveau de certitude et de foi par cet exercice humain qu’est le voyage du pèlerinage…

 

 

  • Des actes angéliques

Il faut savoir que la majorité des actes de dévotion et de religiosité sont des actes qui nous viennent des Anges.

Par exemple, la prière rituelle (salât) est composée de mouvements angéliques que le Prophète Mohammed (que Dieu nous abreuve de son amour et de sa lumière continuellement renforcés) a pu contempler lors de son Ascension dans les cieux. On sait également que le Qor'an a d’abord été récité par les Anges avant d’être apporté aux humains. Encore, il se trouve que le “tawaf”, le rituel qui consiste à tourner autour de la Maison Sacrée, nous vient également des Anges qui se livrent à ce rituel depuis toujours "autour de la Ka'ba Céleste, la Maison Sacrée du Monde des Réalité, nommée "al-Bayt al-Ma'mour"

Ainsi, nous devons toujours avoir à l'esprit que toute invitation que Dieu nous a offerte sur le chemin a un potentiel infini, une visée d'élévation et de transcendance extraordinaire. A nous de ne pas limiter ce potentiel par une compréhension limitée et limitante…

Qu’en est-il alors de cet exercice de “sawm” du mois de Ramadan dans lequel nous nous apprêtons à nous investir ?



  • Le “Sawm”

Le “sawm”, que je traduis donc par “exercice de consécration et de détachement des besoins physiques et matériels” a la particularité de n’être pas vraiment une action, mais plutôt une non-action, une abstinence. En effet, l'exercice physique du “sawm” consiste à s'abstenir de boire, de manger, mais aussi d’avoir des relations intimes du lever au coucher du soleil, de dire des futilités et de s’éloigner de tout excès en réalité.

On voit bien à quel point cet exercice de “sawm” dépasse le simple fait de jeûner, à tel point que le Prophète Mohammed (que Dieu continue de nourrir son être, sa lumière et notre connexion à lui) a dit :

 

“Combien de personnes qui s’investissent dans l’exercice de détachement des besoins physiques et matériels en vue de se consacrer à Dieu n’en obtiendront que la faim et la soif ! Et combien de personnes qui prient la nuit n'obtiennent de leur veillée que la fatigue !”

 

Cette pratique nous vient également du monde angélique, les Anges étant des êtres en jeûne continu, aussi bien au niveau de l'alimentation, de la boisson, mais aussi de l'abstention de paroles futiles, un autre pilier du jeûne souvent négligé malheureusement. L'exercice de détachement des besoins matériels et physiques revient donc, pour les êtres humains, à chercher la synchronisation avec le monde des Anges, à lutter et se libérer du poids de la mort que nous avons déjà évoqué plus haut, pour choisir et renforcer la force de vie en nous, pour nourrir l’esprit, le côté angélique en chaque être humain.

 

Oiseau, Mandala, Esprit, Méditation

 

 

  • Ce que veut dire le terme “sawm”

“Sawm”, vient de la racine “sama” pour laquelle nous trouvons plusieurs définitions dans le dictionnaire. En plus de désigner cette action, ou plutôt non-action, cette abstinence de répondre à certains besoins naturels durant un laps de temps donné, le terme "Sama" renvoie :

  • à la purification de l’eau : lorsqu’il y a décantation et sédimentation, lorsque l'impureté se sépare du reste et que l’eau pure est préservée.
  • pour désigner le moment de la journée où l’ombre s’anéantit, vers l’heure de midi.
  • au fait qu’une flèche atteint le centre de sa cible.

 

On peut commencer à déceler la portée symbolique de ce terme. Ces trois significations que nous venons de voir révèlent les buts recherchés lorsque l’on entreprend cet exercice de détachement des besoins physiques et matériels :

  • se purifier des saletés et lourdeurs matérielles que sont nos désirs, nos passions et notre attachement au monde matériel,
  • anéantir toutes nos ombres intérieures afin de pouvoir recevoir la Lumière Divine,
  • atteindre notre Cible, qui n’est autre que Dieu.
  •  

 
 

  • Parler moins

Il est à noter qu’il existe également une autre sorte de jeûne dont Dieu parle dans le Qor’an : l’exercice d’expression d’amour et de consécration des saints et des prophètes, qui consiste à s'abstenir de parler. Nous avons vu que c’est la raison pour laquelle notre mère Maryam (que Dieu nous connecte à elle) n’a pas répondu aux gens venus l’interroger. Elle avait fait le vœu de se consacrer au Bien-Aimé en ce jour, et de ne pas adresser la parole à un seul être humain, désireuse de ne plus avoir affaire qu’à Lui.

Ce jeûne n’est pas recommandé pour nous aujourd’hui, mais nous sommes néanmoins encouragés à minimiser la parole durant le mois de Ramadan, non pas parce que cela peut nous fatiguer ou consommer des calories, mais parce que cet exercice de consécration vise à célébrer et à renforcer le côté qui n’est pas humain en nous, ce côté Divin et Angélique qui fait aussi partie de nous, cet esprit, ce Secret Divin que Dieu a planté en chacun de nous.

Or, Dieu a fait en sorte que plus nous sommes occupés à répondre aux besoins du corps, moins l’esprit peut s’épanouir, et vice versa. Il ne s’agit pas d’affaiblir le corps en soi, mais il s’agit d’affaiblir notre attachement au corps afin de renforcer notre attachement à l’esprit, ce qui n’est pas la même chose. Il s’agit d’affaiblir notre attachement à la terre pour renforcer notre attachement au ciel. Et c’est en cela que nous cherchons l’équilibre parfait, comme nous l’avons vu dans la traduction du mot “sama”.

En effet, la théorie qui veut que le corps soit une prison pour l’âme est en contradiction avec les enseignements de l’islam. Au contraire, le corps est notre véhicule, il joue un rôle fondamental dans l’incarnation de notre âme lors de son passage sur terre. En revanche, il doit rester à cette fonction de véhicule, d’outil et ne pas occuper tout l’espace de nos préoccupations. Malheureusement, nous nourrissons plus souvent les besoins de notre corps que nous ne répondons au besoin de notre cœur… Et le mois de Ramadan permet en ce sens de rééquilibrer les choses.

 

 

  • Le mois de “Ramadan”

Il est aussi important de s’intéresser au mot “Ramadan” en lui-même, car le moment choisi pour cet exercice de consécration n’est pas anodin. En effet, il s’agit du mois que Dieu a choisi pour envoyer l’Ange Gabriel (que Dieu nous connecte à lui) pour la toute première fois au Prophète, alors que notre Bien-aimé Mohammed (que Dieu continue de nourrir leurs êtres et nous connecte à eux) était en retraite spirituelle dans la grotte de Hira.

Cette pratique d’isolement et de méditation est une pratique dont il avait hérité de son grand-père, Abd al-Mouttalib ben Hachim, et dont lui-même avait hérité de cette lignée d’Hommes de Dieu descendants du Prophète Ismaïl.

D’ailleurs, il est dit que notre Maître Ibrahim (que Dieu continue de nourrir son être et nous connecte à lui ainsi qu'à tous ses descendants bénis et illuminés) est le premier à avoir établi cette pratique dans cette même grotte, à ce même moment de l’année, durant le mois de Ramadan.

Comprenons une fois pour toute que Mohammed n’était pas un homme comme les autres, et ce depuis sa plus tendre enfance. Ce n’est pas juste un homme qui avait des qualités et qui a reçu la Révélation par “accident”, bien au contraire. Il s’agit de l'être le plus conscient qui ait jamais existé, l'être qui cherchait ardemment la connexion avec son Seigneur. Chaque année, et particulièrement durant le mois de Ramadan, cet amour, ce désir, ce besoin augmentait, se faisait plus pressant et le réclamait entièrement, à tel point qu’il quittait tout ce qui constituait sa vie pour s’isoler dans une retraite en la Présence du Créateur. Il passait des jours et des nuits dans cette grotte, en contemplation et en méditation.

 

The Cave of Hira in photos: Islam’s starting point to the ...

 

Il ne s’agissait pas d’une méditation mentale comme on voit aujourd’hui ni d’une méditation rationnelle comme celle des philosophes modernes. Le Prophète méditait à la façon d’un amoureux, car la méditation se fait par amour, ou elle n’est pas. Il ne cherchait pas à démystifier le mystère autour de lui, satisfait de lui-même et de sa posture, bien au contraire. Il s’agit d’un homme qui est tombé amoureux du mystère : plus il se rapprochait du mystère, plus le mystère devenait encore plus mystérieux, et plus son amour augmentait en retour… Il était le Maître des amoureux, prêt à tout délaisser pour la Rencontre de son Bien-aimé, jamais rassasié, toujours assoiffé de Dieu et de Sa Présence.

Ainsi, voilà pourquoi l'Ange Gabriel s'est manifesté à Mohammed la première fois alors qu'il était en retraite spirituelle dans ce lieu béni. Il ne s’agissait pas là de sa première année de retraite, c’était selon certains récits la cinquième année où il s’adonnait à cette pratique d’isolement et de méditation, chaque année pour un temps plus long. Cette dernière année, il était à son troisième mois consécutif passé en retraite, puisqu’il est dit qu’il y est entré avant le mois de Rajab.

 

 

  • Le mois de Ramadan ou la combustion des cœurs

Pour revenir au terme “Ramadan”, on constate qu’il est composé de deux parties : la racine “ramad”, et le suffixe “-an”. “Ramad” signifie “immense chaleur”, “combustion” ou encore “état de quelque chose qui est en train de brûler”. Quant au suffixe “an” , il vient en grammaire arabe donner une précision sur l’état permanent et actif du terme. Ainsi, le terme “Ramadan” renvoie à la combustion continue, à la brûlure intense qui ne finit jamais.

A la lumière de tout ce que nous venons de voir, il est facile de comprendre à quoi fait référence cette notion de combustion. Ce qui brûlait durant ces moments de recherche de connexion, c’était le cœur de Mohammed. Son état spirituel était un état de “Ramadan” : un état de combustion intérieure pour son Seigneur, un état d’amour enflammé qui ne peut se refroidir ni s'apaiser, un état d’impatience.

Pour lui, la seule réponse qui pouvait convenir dans cette quête de l’Absolu était le Bien-Aimé Lui-même. Et Dieu a répondu à cette quête, puisqu’Il nous dit dans une narration sacrée que nous étudierons dans le présent recueil : “Je suis la récompense du jeûne”...

La récompense du jeûne, c’est Dieu Lui-même. Voilà la destination de ce voyage de Ramadan.

 

 

  • La rencontre entre la terre et le ciel

Lorsque le cœur de l’assoiffé Mohammed a intensément brûlé d’amour pour Dieu, l’eau de la Révélation est venue le nourrir, l’apaiser. Son cœur était comme ces terres que Dieu décrit dans le Qor’an :

 

“Parmi Ses Merveilles se trouve le fait que tu vois la terre en état d’impatience et de recherche de présence (khoushou’). Aussitôt que Nous faisons descendre l'eau sur elle, elle commence à bouger et à s'épanouir, elle voit des choses naître en elle. Celui qui lui redonne la vie est certes Celui qui fera revivre les morts, car Il est Capable de toute chose”. (Sourate 41, Verset 39)

 

Voilà ce qu’est le phénomène de la Révélation. L’eau vient du ciel comme l’Ange est venu du ciel apporter cette Manifestation de Dieu, ce Message porteur de vie qui peut réveiller les cœurs morts…

Tout le mois de Ramadan est donc un festival, une célébration de cette Révélation, Révélation qui est une rencontre entre le ciel et la terre, ce qui est la définition même du mot “baraka”. La baraka, cette rencontre d’amour entre ciel et terre, se concrétise par l’effet multiplicateur et même exponentiel des Bienfaits venant de Dieu et de l’énergie angélique.

Cette célébration se fait dans toutes les dimensions lors de ce mois, dans notre effort de nous synchroniser avec les Anges et de dépasser nos besoins terrestres, qui sont, comme manger et boire, des besoins légitimes pourtant, dans la célébration de la Nuit du pouvoir et de la Force Spirituelle, qui en est l’apogée, mais aussi dès le début du mois, avant même que l’on ait commencé à jeûner.

 

Croissant De Lune, Lune

 

Dieu a voulu que pour pouvoir déterminer la date de début de mois et commencer à nous investir dans ce mois béni, nous dirigions nos yeux vers le ciel, à la recherche du croissant de lune. En effet, les mois lunaire sont composés de 29 ou 30 jours, et c’est à l’observation de la lune au moment de la Nuit du doute (29ème nuit du mois précédent) que nous pouvons savoir si un nouveau mois a commencé ou s’il faut attendre encore un jour de plus.

Symboliquement, ce geste en lui-même montre la finalité du “sawm” : le détachement du monde terrestre et la recherche de la dimension supérieure. On commence le mois de Ramadan les yeux rivés vers le ciel, et on le finit dans cette même position. Pieds sur terre, mais nos yeux, notre attention et notre cœur tournés vers le ciel…

 

 

  • Le mois du Qor'an

On comprend pourquoi ce mois est la période propice au développement d'un vrai lien avec la Parole Sacrée. Le Prophète (que Dieu continue de nourrir son être, sa lumière et notre connexion à lui) ainsi que les compagnons et tous nos prédécesseurs lisaient encore plus le Qor'an qu'à l'habitude durant cette période, nous montrant ainsi la voie à suivre.

Le mois de Ramadan est le mois de la célébration du Qor'an, mois durant lequel la connexion avec le sens de la Révélation est grandement facilitée, encore plus qu’à l’accoutumée et durant lequel sa lecture de procure encore plus d’énergie spirituelle et de bienfaits exponentiels (baraka).

 

Ramadan, Coran, Bougie, Islam, Islamique

 

Si on se laisse façonner par cette Révélation, si on laisse cette lumière pénétrer, si on se laisse accompagner par les Anges que Dieu fait descendre chaque nuit, si on saisit ces opportunités en se laissant façonner par elles, alors on découvre en nous un secret, une vérité. On goûte à notre vie différemment et on comprend que nous pouvons vivre autrement, que nous pouvons transcender cette limite matérielle et vivre une vie beaucoup plus profonde que la vie que nous vivons ou que nous prétendons vivre aujourd’hui. C’est une opportunité qui nous rappelle le but de notre existence que Dieu nous a rappelé dans le verset :

 

“La seule raison d’être dans cette existence terrestre et matérielle, de tout être conscient à qui nous avons donné le libre arbitre est de cheminer vers l’Essence par son propre choix et sa propre volonté”. (Sourate 51 - Verset 56)

 

 

  • Destination Ultime : la Proximité Divine

Dieu a conclu le passage coranique qui mentionne le mois de Ramadan, avec ce verset bien connu que nombre de savants et connaisseurs de Dieu considèrent comme étant le cœur du Qor’an :

 

“Et lorsque Mes Serviteurs t'interrogent à mon Sujet, dis-leur que Je suis Proche, Je suis Présent, Je réponds à l’appel de celui qui M’invite dans sa vie. Alors, qu'ils s’autorisent à répondre à Mon Appel, et qu'ils deviennent perméables à Ma Présence afin de grandir et de devenir des êtres matures”. (Sourate 2 - Verset 186)

 

En d’autres termes : que ceux qui cherchent Ma Présence, ceux qui se demandent quelle route il faut prendre pour venir à Moi sachent qu’il n’ont pas à se fatiguer en réalité. Ce n’est pas une route extérieure qui vous mènera à Moi, car Je suis déjà Proche et Je réponds à l’invitation de celui qui ouvre les portes de son cœur pour M’accepter dans sa vie, et ce dès qu'il prend la décision de s’ouvrir à Moi.

Voilà le message de tous les Prophètes : Dieu est proche, Dieu répond, là où le message satanique dit que Dieu est loin, que Dieu est sourd…. Lui vous promet l’éloignement, dû à vos péchés que Dieu ne pourrait pas pardonner, alors qu’en réalité, vous n’avez qu’un pas à faire, qu'une posture d'ouverture à adopter. Parlez-Lui tout simplement. Acceptez-Le comme Gestionnaire et Il gèrera votre vie. Acceptez-Le comme Bien-aimé, et Il vous comblera d’amour. Acceptez-Le comme Ami, Il vous procurera un grand bonheur.

Accueillez-Le dans votre vie, Il animera et remplira votre vie…

 


Kaligrafi Asmaul Husna | Kaligrafi, Seni islamis, Gambar



Le mois de Ramadan est donc le grand voyage de l’année où nous célébrons la Révélation. C’est le mois où les cœurs des croyants doivent brûler d’amour pour Dieu, et brûler d’impatience pour la Rencontre, cette impatience positive qui nous fait sentir à quel point on ne veut plus rester éloigné de notre Bien-aimé, Lui dont on réalise au fur et à mesure des jours la si Grande Proximité.

Si nous ne nous trouvons pas dans cet état, alors nous n’avons qu’à le réclamer et formuler cette intention à l’approche du mois béni. Car Dieu, dans Son Amour pour nous, a fait en sorte que les actes de religiosité soient pour nous des moyens de cultiver les réalités que le Prophète a lui exprimées à travers ses actes. Ce sont des cordes qu’il a fait descendre du ciel, du haut de sa réalité, et qu’il nous a laissées comme moyen pour nous de grimper, de nous élever, de marcher dans ses pas d’amour et de conscience.

Puissions-nous vivre ce voyage...

 



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