LA BERCEUSE QUE ME CHANTAIT MON PÈRE
Voici la berceuse que mon père me chantait lorsque j’étais enfant :
“Je chante pour qui, je chante pour qui?
Ô colombes, Je chante pour qui?
Je chante pour mon enfant Hamdi
Il grandira et deviendra un soldat”
(« Nghanni lmine nghanni lmine,
Ya hamaam, Nghanni lmin?
Nghanni lwildi Hamdi,
Yikbir we ywalli joundi!)
De plus, mon père ne m’a jamais appelé sans le titre “Shaykh” depuis mes 5 ans !
Dès l’âge de 10 ans, j’étais déjà conscient que je ne serai pas cet homme de grande taille, fort et musclé qui pourrait être un soldat combattant. J’avais attrapé une maladie grave à cet âge-là qui m’avait beaucoup affaibli et affecté… C’est d’ailleurs un miracle que je sois aujourd’hui dans une aussi (assez) bonne santé…
D’autant plus que j’avais horreur du sang et je ne pouvais même pas regarder sa couleur sans m’évanouir ! J’avais horreur des cris, de la violence et des combats entre enfants, alors que dire des combats armés ! J’étais ce garçon très doux, calme et romantique. Je me revois encore hésitant à nettoyer la cour de la maison de peur de noyer les fourmis qui y vivaient par accident ! Je me rappelle des interrogations qui me traversaient dans ces moments : quelle sorte de « soldat » pourrais-je bien devenir ?
Puis j’ai commencé à entendre comme de l’ironie ou de la satire dans ces paroles de berceuse et naissait alors en moi le désir d’en changer les paroles, pour les remplacer par ce qui me paraissait “mieux” :
“Il grandira et deviendra artiste, poète ou écrivain
Il grandira et deviendra artisan de paix ou politicien
Il grandira et deviendra juge ou avocat
Il grandira et deviendra professeur avec son doctorat…”
Toutes sortes de choses, mais pas « un soldat » ! Car je me voyais mal dans une tenue de combat, une arme à la main.
Ce n’est que quelques années plus tard que je me suis réconcilié avec cette berceuse, que je m’en suis réclamé et que je m’y suis reconnu… Non pas parce que je suis devenu plus fort ou plus musclé…
Bien au contraire, lors d’une assez grave crise de santé qui m’a secoué à l’âge de 17 ans, je me suis arrêté sur le nom du grand maître “Abul-Qassim Al-Jounayd”. On l’appelait al-jounayd (le soldat)… J’ai alors compris qu’il y a plusieurs façons d’être soldat : c’est la posture intérieure qui compte ! Et combien de géant dans le corps d’un petit ! Et combien de minus dans le corps d’un géant !
J’ai compris que l’on peut toujours être un soldat spirituel. Car c’est avec le cœur qu’on doit mener le combat avant tout. C’est la force de l’âme qui compte ! Je me rappelle alors avoir demandé à Dieu de m’enrôler dans Ses Forces Armées bien que j’étais des plus faibles… À cet âge-là, je me pensais spirituellement fort et puissant. Je me suis alors réclamé du titre « soldat spirituel » et « cœur battant et combattant »…
"J’ai alors compris qu’il y a plusieurs façons d’être soldat : c’est la posture intérieure qui compte ! J’ai compris que l’on peut toujours être un soldat spirituel. Car c’est avec le cœur qu’on doit mener le combat avant tout."
Aujourd’hui je me découvre faible, même sur le plan spirituel… Et chaque jour qui se lève vient mettre plus de lumière sur cette impuissance et me fait voir que je suis encore beaucoup plus faible que je ne pensais l’être la veille…
Toujours est-il que je demande toujours à Dieu de m’enrôler dans Ses Forces Armées. Je Lui demande toujours et en cet instant même de m’accepter comme soldat. Il n’est point ici une question de choix ! Car si on n’est pas soldat de Dieu on sera soldat de Ses ennemis… Il n’y a pas d’autre alternative.
Alors, faible comme je suis, mon Seigneur, accepte moi...
Et si je ne suis pas digne d’être enrôlé dans Ton armée, fais que ce soit Ton Armée qui vienne s’enrouler autour de moi ! Pour me protéger et pour que je puisse la servir de quelque manière que ce soit. J’accepterai tous Tes Décrets, mais je T’en supplie, par pitié, ne me laisse jamais devenir un de Tes Ennemis. Ne me prive jamais d’être un des Tiens ! Permets-moi d’honorer cette berceuse que me chantait mon père bien-aimé :
“Je chante pour qui, je chante pour qui?
Ô colombes, Je chante pour qui?
Je chante pour mon enfant Hamdi
Il grandira
et deviendra un soldat (joundi)”
UNE AUTRE HISTOIRE DE BERCEUSE
Voici donc mon histoire de berceuse. Et vous pouvez voir aussi sur ce visuel l’histoire de berceuse de mon Maître spirituel Habib Omar (que Dieu nous connecte à lui et à son héritage).
C’est une histoire que nous avons vu circuler sur Facebook en anglais et que nous avons traduite pour la partager avec nos lecteurs francophones. Nous l’avons découvert avec mes étudiants l’an dernier, alors que nous venions justement d’aborder la question de l’éducation des enfants, que je préfère appeler “accompagnement au développement de l’enfant”.
En effet, le terme “éducation” s’inscrit dans un paradigme étranger et même opposé à la vision prophétique. Il sous-entend que l’individu est au départ vide ou mauvais, voire qu’il n’est “rien”, et que c’est par l’éducation qu’on va tout lui donner, lui transmettre, lui permettre de devenir un être humain “éduqué” qui a acquis de la valeur. C’est une mentalité qui crée des structures rigides et une culture de dictature de la pensée plus qu’autre chose.
Le terme “développement” est plus juste car il part du postulat que l’individu possède déjà en lui de par sa nature saine (fitra) les qualités et le potentiel de la personnalité saine. En effet, nul besoin "d'éduquer" un enfant comme on dresserait un animal. La graine dont Dieu a doté chaque être humain doit simplement être accompagnée vers une croissance, aimée, regardée, placée dans le bon terrain, le bon champ de cultivation, d’où l’importance capitale d’une culture saine, ce bain de culture dans lequel peuvent se développer des personnalités saines, qui sauront répondre à l’appel de leur Seigneur et répondre aux besoins de leur contexte.
L’ART ET LA SCIENCE DES BERCEUSES
Les deux témoignages que nous venons de partager illustrent combien les berceuses sont une science. Les mots et les airs que nous répétons à nos enfants, et ce, avant même leur naissance, vont s'ancrer en eux de manière très profonde et guider leurs pas dans le développement de leur personnalité d'adulte. D’ailleurs, dans certaines cultures, la mère commence à chanter avant même que l’enfant ne soit conçu, dès que le désir d’enfant apparaît en elle. L’âme est alors appelée, accueillie avec cette intention, cette attention, cette vision, cette orientation. Et ce qui est fait avec intention et attention est fait voué à durer pour l’éternité.
On ne peut qu’imaginer les berceuses que les mères des prophètes ont pu chanter à leurs enfants. Prenons l’exemple de la mère de notre Maître Moussa (que Dieu continue de nourrir son être et notre connexion à lui), que nous avons longuement abordé dans cet article.
Imaginez la berceuse que devait chanter cette noble mère, qui a reçu une Révélation venant de Dieu, et qui sait que son fils aura un destin sacré. Un héritage qu'elle-même avait dû recevoir de sa propre mère, issue d’une famille noble des enfants d'Israël. Car le sauveur de ce peuple, annoncé par notre Maître Joseph en son temps (que Dieu nous connecte à chacun d’entre eux), était attendu de tous, surtout depuis le début des persécutions. On peut donc émettre l’hypothèse que, à l’image de notre Dame Hannah la mère de Maryam, les grands-parents de Moussa (que Dieu nous connecte à chacun de ces êtres de lumière) ont pensé que ce prophète serait leur fils. Mais lorsque leur bébé s’est avéré être une fille, ils ont compris qu’ils devaient la préparer à être la future mère de ce Prophète, car une fille ne pouvait pas jouer le même rôle qu’un garçon dans ce genre de société.
Des années de prières, des générations d’espérance renforcées par le regard de sa mère adoptive Assiya, l’épouse de Pharaon qui, lorsqu'elle l’a vu pour la première fois, a dit : “peut-être qu’il sera pour nous une source de bien”. On peut donc imaginer sa maman biologique devenue sa nourrice et sa maman adoptive en train de le bercer avec ces chants d’espoir et d’amour qui devaient dire en substance :
« Mon cher enfant n’oublie pas,
tu vas devenir un soldat,
pour semer l’amour dans le monde
et instaurer une paix féconde »
Et on comprend comment, dans l’histoire de Moussa, ces chants ont dû compter. Ces graines plantées en lui, sont certes restées endormies un temps, mais elles ont tout de même bâti sa perception de lui-même, les bases de son identité réelle. Il est devenu un homme très sensible à la question de justice, qui aspirait à devenir un artisan de paix et refusait d’être un tyran et de laisser des actes de tyrannie se perpétuer devant ses yeux.
Et on peut imaginer comment ces mots ont pu résonner et faire raisonner Moussa, lorsque devenu adulte et investi activement dans le système égyptien, il va assister à une scène d’injustice, et qu’il sera accusé à son tour d’être un oppresseur, un fauteur de troubles, un ennemi de la paix et de la justice. Tout son cheminement va démarrer de cela, cheminement que nous sommes en train d’étudier dans la série "les cinq prières de Moïse".
Sa perception positive de lui-même était claire, et ces accusations sont venues le réveiller brusquement car elles étaient en totale contradiction avec la manière dont il se percevait lui-même. Il est primordial que l’on nourrisse cette même perception de soi chez nos enfants. Il n’est pas question d’arrogance ici ou de dire “mon enfant sera le meilleur, le plus beau” ou “il deviendra ingénieur et contrôlera le monde”, non. Il s’agit plutôt de lui faire intégrer profondément que “mon enfant, tu seras une personne de bien, une personne juste.”
Qu'ils se retrouvent à penser d'eux-mêmes ce que pensaient les Prophètes avant nous, comme par exemple nos Maîtres Yahya (Jean) et Issa (Jésus, que Dieu continue de nourrir leurs êtres et nous connecte à eux) qui se sont eux-mêmes définis de cette façon : “Dieu n’a pas fait de moi quelqu’un de mauvais”, en d’autres termes : je ne suis pas tyran, ni injuste, ni ou abuseur. Issa dit aussi : “Dieu a mis la bénédiction et l’abondance de bien en moi où que j’aille” ou encore “Je me comporterai bien avec ma mère”, alors que Yahya dit “je serai bien envers mes parents”. Et les deux disent “je suis un homme de paix, de salut” (salam aleyya).
POUR NOS ENFANTS
Voilà la perception de soi par laquelle ces êtres bénis là ont été nourris. Et c’est de ce regard et de ces intentions-là que nous devons à notre tour nourrir nos enfants afin qu’ils puissent eux aussi avoir une perception positive d'eux-mêmes.
Créons donc des berceuses avec le genre de mots que nous avons vu plus haut : des mots qui s'imprègnent dans le subconscient de l'enfant, prêts à ressurgir à sa conscience pour lui rappeler sa mission de vie en temps voulu. Des mots-graines qui vont rester là, en veille, prêts à germer lorsque les conditions de l'éveil spirituel seront réunies. Des mots fondateurs qui vont construire l’opinion que l’enfant va se faire de lui-même, une opinion saine et bonne.
Ceci est donc une invitation, mes chers frères et sœurs, car quand on voit le nombre de comptines que l'on chante à nos enfants qui ne veulent rien dire, qui n'ont aucun sens, on comprend pourquoi notre jeunesse se trouve désœuvrée, ne sait pas trop où elle va et pourquoi elle perd son temps devant la télé réalité, les réseaux sociaux ou autre... Car nous n'avons pas nourri pour eux et en eux d'ambition noble et valorisante, tout simplement. Nous n’avons pas répondu à leur besoin d’être aiguillés et orientés vers le Bien, le Beau, et le Vrai. Nous les avons conditionnés à devenir des consommateurs insatisfaits, et par définition ingrats.
Que Dieu nous permette de changer nos paradigmes et de développer cette culture qui permettra à nos enfants de bâtir une personnalité saine qui aime Dieu et ambitionne d'être un serviteur du Divin au service de l'humanité.
Amine
Découvrez nos première initiatives en ce sens !
1) Une comptine pour vos enfants :
https://soundcloud.com/hamdi-ben-aissa#:~:text=Hide%20queue-,Skip,-to%20previous
https://youtu.be/_CBAKUtHbKo mise en image par une de nos élèves
2) chanson Au clair de la lune - Paroles revisitées
Au clair de la Lune
Mon ami et frérot
Prête-moi ta plume
Pour écrire un mot
Ma chandelle est morte
Je n'ai plus de feu
Ouvre-moi ta porte
Pour l'amour de Dieu
Au clair de la Lune
Le Shaykh répondit
Ton cœur tu allumes
Tu accueilles la vie
Malgré les épines
La beauté y est
Oublie la doctrine
Commence à goûter
Au clair de la Lune
On n'y voit qu'un peu
On cherche la plume
On cherche le feu
En cherchant d'la sorte
Dieu sait c'qu'on trouvera
Mais je sais qu'la porte
Enfin s’ouvrira
que vous pouvez trouver en son et mise en images ici https://youtu.be/QW4A5TuR_b4
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3) Âme libérée, délivrée - Paroles revisitées
L'hiver s'installe doucement dans la nuit
La neige est sereine autour
Un feu ardent de nostalgie
Placé en mon cœur pour toujours
La neige n’éteindra pas le feu
Le feu ne f’ra pas fondre la neige
C’est ainsi qu’a voulu mon Dieu
Autour de ce mystère Il a mis un siège
Le vent de passion qui hurle en moi
Ne pense plus au passé
Ne pense plus à demain
Il est bien trop fort
J'ai lutté, en vain
Cache ton amour, n'en parle pas
Fais attention, le secret survivra
Pas d'états d'âme, pas de tourments
De sentiments
Libérée, délivrée
Je ne mentirai plus jamais
Libérée, délivrée
C'est décidé, je m'en vais
J’ai laissé ma patience en été
Je me retrouve dans l’hiver
Cet orage rappelle à moi le goût de la liberté - le souffle de ce vent est pour moi l’hymne de la liberté -
Hou, Hou, Hou, Allaaaaaah
Quand on prend de la hauteur
Tout semble insignifiant
La tristesse, l'angoisse et la peur
M'ont quittée depuis longtemps
Je veux voir ce que je peux faire
De cette âme pleine de mystère
Du “bien” comme du “mal” je dis
Du “Paradis”, comme de “l’enfer”:
Libérée délivrée
Les étoiles me tendent les bras
Libérée délivrée
Non je ne m’arrêterai pas
Me voilà ici-haut oui je suis là
Fondue dans Son Mystère - noyée dans Son amour-
Hou, Hou, Hou, Allaaaaaah
Mon secret vient du ciel et envahit l’espace
Mon âme s’exprime en dessinant et sculptant en toute grâce
Inspirée, mes pensées sont des fleurs de cristal gelé
Je vis au Présent avec Ses présents
Le passé est passé, dépassé
Libérée délivrée
Désormais plus rien ne m’arrête
Libérée délivrée
Plus de paresse ni princesse parfaite
Je suis là comme je l’ai rêvé
Retrouvée dans l’univers, l’uni-vers
Vers l’Uni Le souffle de ce vent est pour moi l’hymne de la liberté et de la vie
Hou, Hou, Hou, Allaaaaaah