A quelques jours de notre séjour d’étude et de ressourcement en Turquie, nous vous offrons ce deuxième article tiré de la conférence donnée le 11 novembre 2022 à Paris. Nous avions terminé notre précédent article sur cette invitation universelle et intemporelle que Rumi ainsi que tous les Amis de Dieu nous envoient : celle de chercher notre part unique et personnelle de connexion et d’Amour Divin. Rumi, ivre de cette boisson de connexion et de Proximité Divine, ne fait que se livrer et nous livrer ses secrets. Il partage avec nous le goût de son expérience, celle de l’amoureux, et nous enseigne des choses qu’on ne peut trouver dans les livres…
Ivre d'amour, Mawlana Jalal ud-dine Rumi nous livre donc ces vers :
“Comme le Prophète, je me repens soixante-dix fois par jour de parler et de divulguer les mystères,
Mais cette ivresse brise ces vœux de repentance.
Cette ivresse du cœur cause l'oubli et déchire la robe de la pénitence
Le Dessein Divin de rendre manifestes les mystères jette une ivresse sur le connaissant
De sorte que, de manière éclatante, le mystère caché devient de l'eau jaillissant de la source, de la boue séchée du destin…”
PROCHAIN SEJOUR D'ETUDE ET DE RESSOURCEMENT EN TURQUIE DU 19 AU 31 MAI 2023 !
Un récit prophétique qui cache ses secrets
Je vous invite à vous arrêter avec moi sur la phrase “Comme le Prophète je me repens soixante-dix fois par jour de parler et de divulguer les mystères”... Nous allons voir ensemble quelle compréhension, quel aspect de ce récit prophétique Mawlana Rumi nous livre ici. Peut-être avez vous reconnu la référence faite à la narration prophétique authentique dans laquelle le Prophète Mohammed (que Dieu continue de nourrir son être, sa lumière, la force de son âme, son héritage spirituel ainsi que notre connexion à lui et à ses héritiers bénis) dit :
“Je me repens, je dis "astaghfiroullah", je demande à Dieu de me couvrir du manteau de Sa Grâce, soixante-dix à cent fois par jour.”
La compréhension que nous en offre Mawlana Rumi est assez éloignée des interprétations les plus courantes, que nous allons présenter ici. Tout d’abord, il est à noter que certains savants ont déduit de ce récit que la récitation d’istighfar doit être, pour nous, de soixante-dix répétitions par jour, ceci afin de faire comme le Prophète. Cela est, certes, un très bel exercice d’alignement.
Cependant, une autre question se pose : pourquoi le Prophète demande-t-il pardon ? Pour quelle "erreur" ? Pour quel “péché” ?
Plusieurs choses ont été dites à ce sujet :
- les gens qui s’intéressent à la science qui traite de la conception de Dieu et de son Prophète (‘aqida) ont divergé. Certains ont avancé que le Prophète demande pardon pour les petits péchés, car il ne serait selon eux protégé que des grands péchés, et pourrait par conséquent commettre des petits péchés,
- d'autres ont rétorqué qu’il n'est pas digne d'un Prophète de commettre des péchés, même petits,
- d’autres encore ont alors proposé comme réponse que le Prophète demande pardon pour des petits moments d’insouciance, des petites miettes d’inconscience qu’il aurait de temps à autre,
- ce à quoi ils se sont vus répondre par d’autres que même cela, ce n'est pas digne d'un Prophète, mais qu’il s'agit plutôt des péchés à son niveau, et que seul un Prophète peut comprendre les péchés d'un Prophète… !
Certes, tout ce qu’ils ont dit est bien argumenté, mais ce n'est pas cela que l'assoiffé cherche en son Prophète !
Pour aller plus loin, visionner la vidéo de la rencontre autour des poèmes spirituels de Rumi ci-dessus !
La compréhension des secrets née de l’expérience de Rumi
Mawlana Jalal ud-dine Rumi (la majesté de la religion) dont le Dessein Divin était de révéler le Jamal ud-dine (la beauté de la religion) nous offre, dans son interprétation, un autre accès. Lui qui porte également le prénom Mohammed dans son patronyme partage ici une autre voie de compréhension : celle du goût de l'expérience.
Lorsqu'il a vécu quelque chose du Prophète en lui, c’est à dire lorsque le Prophète a fleuri en lui et qu’il est devenu à son tour l’envoyé du Seigneur, il a vécu cette expérience de parler de Dieu et de parler à Dieu, sans cesse, de manière continue, permanente. Toujours, il parlait à Dieu, puis parlait de Dieu, il parlait à Dieu, puis parlait de Dieu… Tant et si bien qu’un jour, il n’a plus réussi à contenir l’envie et le désir de proclamer haut et fort que Dieu est Amour Inconditionnel ! Cet élan de partage a malheureusement rencontré le regard réprobateur des savants qui auraient préféré qu’il tienne aux gens un discours moraliste du genre : “faites ceci et ne faites pas cela, sinon, vous périrez !”
Mais lui leur répond : “comme le Prophète, je me repens soixante-dix fois par jour”... Mais de quoi se repent-il ? “De parler et de divulguer les mystères” !
Voilà la compréhension que cet homme de goût obtient de ce récit… Il nous révèle ce côté caché du Prophète : selon lui, le Prophète demandait pardon, non pas pour d'éventuels péchés, mais plutôt parce qu’il lui a été dit de ne pas divulguer son secret à tout le monde ! Seulement, il était tellement amoureux de Dieu qu'il n’a pu se retenir de laisser échapper des bribes, des ficelles… Ficelles auxquelles certains “fous” comme les derviches se sont attachés et continuent à s’attacher, parce qu’ils voient chaque ficelle du Prophète comme étant la Corde de Dieu. Ils s'attachent complètement et entièrement à cette corde-là, comme s’ils disaient : “Puisque tu m’as dit que Dieu est Amour inconditionnel, je vais m’attacher à cette Corde et je ne laisserai jamais personne changer cette perception !”
Retrouvez l’article précédent Rumi, le ney et le Mesnavi : la révélation des secrets
Le secret du soupir de l’amoureux
C’est ainsi… Un homme ivre vaut mieux qu’un million de livres… Une seule personne ivre de cet élixir d’amour vaut même mieux que toute cette planète inondée de livres ! C’est donc le Mohammed en ivresse spirituelle que nous livre Jallal ud-dine (ou plutôt Jamal ud-dine...). C'est cette ivresse qu'il veut nous traduire parce que jusqu’à présent, nous n’avons connu que le Mohammed "livresque", nous ne l'avons connu qu'à travers les livres… Tandis que lui souhaite nous dévoiler la très belle face de Mohammed en ivresse, qui n’est autre que celle du “Shams” de Tabriz…
Si nous connaissions la lune de Mohammed, le symbole qui nous parle du développement de la personnalité humaine saine, Rumi va maintenant nous dévoiler la face du soleil manifeste de Mohammed. Il nous explique que ce Mohammed qui était enivré de la Présence de son Seigneur était totalement submergé, inondé d'amour ! Ainsi, selon lui, si le Prophète Bien-aimé se repentait soixante-dix fois par jour, c’est parce que, à soixante-dix reprises, chaque jour, il ne pouvait s’empêcher de laisser échapper un secret tant son ivresse spirituelle était intense... Ce faisant, il créait une voie à chaque fois, et c’est ainsi que sont nées les voies spirituelles que l’on appelle “tariqa”.
Les voies sont donc en réalité ces ficelles, ces petits secrets que les soupirs de Mohammed ont laissé s’échapper. Car le soupir de l’amoureux a ce pouvoir-là…
À ce propos, une histoire d’un des héritiers du Prophète, l’Ami de Dieu Abou Madyan (que Dieu nous connecte à son héritage de lumière) illustre bien cette réalité. Il est dit qu’un jour, alors qu’il était assis dans un cercle de développement de conscience et d’amour, son cœur était tellement enivré de cette Présence qu’il a poussé un soupir d’amour en baissant la tête et fermant les yeux. Toutes les chandelles autour de lui se sont éteintes… Il a ensuite relevé sa tête en soupirant de nouveau, et toutes les chandelles se sont rallumées…
Puissions-nous marcher dans les pas de ces hommes que j’appelle les maîtres de la conscience, ces Amis ivres de Dieu qui ont un cœur brûlant d’amour pour leur Bien-aimé… Si vous aussi, vous souhaitez partir en quête de cette ivresse et de la présence de Mawlana Rumi, il est encore temps de réserver votre place pour notre séjour d’étude et de ressourcement en Turquie, au mois de décembre !
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