Pas de paix, pas de justice

agir spirituel comprendre les enjeux de notre époque mettre sa spiritualité au service de l'humanité se développer en tant qu'être humain Aug 25, 2016

 PROLOGUE

La volonté de s'opposer à l'oppression, l'indignation face à l'injustice et la répulsion face au mal (des sentiments appelés “ghadab” dans le vocabulaire Prophétique et souvent traduits par “colère”) sont des pouvoirs venant de Dieu. Ils constituent un feu qui doit être manié avec grande précaution, car si ce feu vient à toi et que tu n’en fais pas bon usage, il finira par te brûler. 

Afin d’utiliser ce feu à bon escient, il faut d'abord le contrôler et en protéger la flamme : la placer avec grande précaution dans une niche, dans un endroit où elle pourra se transformer en une lumière capable de diffuser sa lueur et dissiper les ténèbres. C'est ainsi que cette flamme en toi, ce pouvoir donné par Dieu, deviendra alors une lampe à l'intérieur d'une lanterne : une source d'énergie et d'illumination aussi bien pour toi que pour les autres.

En revanche, si tu ne contrôles pas ce pouvoir, sache qu’il se transformera en colère. Sa flamme se retournera contre toi et contre les autres autour de toi, brûlant tout sur son passage, même la lanterne censée la contenir, la privant ainsi de son potentiel de devenir source de lumière et de guidance pour les autres. Hors de contrôle, la flamme finira par te consumer pour te laisser en cendres volatiles. Et là, dans cet état, au premier coup de vent, elles s'éparpilleront dans tous les sens, te faisant perdre ton intégrité (aussi bien physique que morale).

 

"Les meilleurs d'entre vous sont ceux qui sont lents à se fâcher et rapides à se détendre... Prenez donc garde à ce que la colère ne vous possède pas car c'est un charbon brûlant sur le cœur des descendants d'Adam."

- Le Prophète Mohammed - (Que Dieu continue de nourrir son être, sa lumière, sa vie spirituelle, la force de son âme ainsi que son héritage et notre connexion à lui)

 

 

LA JUSTICE COMME VALEUR MOTRICE ?

De nos jours, la majorité d’entre nous, musulmans, sommes devenus complètement obnubilés par l'idée de justice. Partout on nous entend clamer nos droits et réclamer que justice nous soit rendue. Nous avons peu à peu laissé nos actions et nos sujets de préoccupation être guidés par ce credo : “pas de justice, pas de paix” (no justice, no peace). Par conséquent, nous sommes maintenant connus dans le monde entier pour être des gens qui se battent pour leurs droits, qui demandent justice à tous ceux qui les oppriment et qui  défient leur façon de vivre.

Est-il judicieux de se présenter de cette manière à un monde tourmenté et aux abois ? Et au-delà de cela, est-ce là tout ce que les musulmans ont à offrir à l’humanité ? D’autant plus lorsque l’on entend que cette justice n’est réclamée que pour nous-mêmes, et rarement pour les autres ?

 

"Est-ce là tout ce que les musulmans ont à offrir à l’humanité ?"

 

Si nous en sommes arrivés à valoriser la justice (al-‘adl) par dessus toute autre valeur, c’est parce que nous nourrissons en nous-mêmes ce souci plus que nous ne nourrissons le souci de l’intégrité morale et de la maturité spirituelle (ihsan) dans notre comportement et dans nos relations : plus que la gentillesse, la magnanimité et la compassion (rahma) envers les autres. Et puisque c’est notre souci premier, c’est également celui que nous transmettons à nos enfants en tout premier lieu. 

Un sondage international évaluant les niveaux d’empathie et de compassion chez les enfants de diverses religions a démontré que les enfants musulmans sont ceux qui ont le moins d'empathie, mais qui ont le plus haut sens de la justice, c’est-à-dire qu'ils sont plus enclins que les autres à déclarer les actions d’un autre enfant ou d’un adulte comme étant “injustes”, et à les qualifier comme étant une violation de leurs propres droits.

 

"L’islam n’a pas besoin d’être défendu contre les autres. L’islam n’est pas une identité ni un club fermé qui exclut les autres et permet de se sentir différents voire, pire, supérieurs. L’islam est plutôt une Réalité que nous sommes invités à vivre."

 

Voilà ce que nous avons transmis à nos enfants : l’impression que l’islam est constamment attaqué et qu’il a besoin d’être défendu ! Dès le départ, nous leur apprenons que nous vivons dans un monde hostile aux musulmans, et cette attitude engendre chez eux un comportement défensif. Nous avons failli à la vérité, cette vérité que l’islam n’a pas besoin d’être défendu contre les autres, que l’islam n’est pas une identité ni un club fermé qui exclut les autres et permet de se sentir différents voire pire, supérieurs. L’islam est plutôt une Réalité que nous sommes invités à vivre.

 

 

DE L’INTÉRIEUR VERS L’EXTÉRIEUR

Loin de n’être qu’une matière théorique et abstraite que l’on apprend dans les livres, l’islam est une expérience de vie, un chemin à prendre. Il est dit du Prophète Mohammed (que Dieu continue de nourrir son être, sa lumière et notre connexion à lui) qu’il était “le Qor’an qui marche” : il était l’incarnation totale et complète des valeurs et positions de la Parole de Dieu  en l’être humain le plus accompli qui venait à la rencontre de ses semblables pour créer une relation avec eux et leur montrer la voie et le chemin.  

Voilà la démarche que nous devons entreprendre : celle de vivre l’islam de l’intérieur avec cette intention de devenir un serviteur de Dieu qui marche dans les pas du serviteur par excellence, un serviteur de Dieu qui développe sa conscience de la Présence permanente de Dieu dans sa vie. C'est de cette façon que nous parviendrons un jour à voir les graines de foi et d’amour que Dieu a placées dans chaque cœur humain germer et croître dans notre attitude. Et c’est après ce travail intérieur, ce travail de profondeur qui va inévitablement finir par se refléter à l’extérieur, dans notre comportement et nos positions, que ceux qui nous entourent pourront goûter aux fruits de la Vérité, de la Beauté, de la fiabilité, de l’intégrité, de l’équité, de la gentillesse, de la compassion et de la justice. 

Tout chemin de vie vise donc à cela : développer sa personnalité et son être, se laisser façonner par Dieu et se rendre perméable au travail de développement qu'Il effectue sur les cœurs en vue d'y voir grandir les plus belles qualités et vertus : amour, don, pardon, confiance, partage, gentillesse, douceur, etc. Il s’agit de travailler sur soi pour se vêtir de l’intérieur de la plus belle des manières par le biais d’un investissement total et sincère envers les autres, ce que nous appelons communément "housnou l-khoulouq". D’ailleurs, c’est ce que le Prophète Mohammed (que Dieu continue de nourrir son être, sa lumière et notre connexion à lui) nous explique lorsqu’il dit qu’il n’a été envoyé que pour développer une personnalité islamique saine : une personnalité qui répondra à l’Appel de son Seigneur et aux besoins de son contexte. 

 

"Tout chemin de vie vise donc à développer sa personnalité et son être, à se laisser façonner par Dieu et se rendre perméable au travail de développement qu'Il effectue sur les cœurs en vue d'y voir grandir les plus belles qualités et vertus : amour, don, pardon, confiance, partage, gentillesse, douceur."

 

 

ADORE DIEU COMME SI TU LE VOYAIS 

La personnalité saine, c’est celle qui vit et agit avec "ihsan", terme que nous avons choisi de traduire par maturité spirituelle et qui, selon notre Guide (que Dieu nourrisse son âme et renforce sa lumière), est le fait “d’adorer Dieu comme si tu Le voyais” : c’est donc le fruit de la conscience complète et parfaite que nous sommes en permanence sous le Regard de notre Seigneur Développeur de nos âmes et Nourricier de nos consciences, notre "Rabb" : notre Maître qui cultive notre personnalité comme un agriculteur cultive ses terres. 

Il s’agit donc de développer notre conscience de Dieu et de Son regard d’amour posé sur nous, de travailler à se sentir comme étant toujours en Sa Présence - ce qui est réellement le cas - pour atteindre un niveau de conscience élevé et qui ne cesse d'augmenter tout au long du chemin. Cela s’exprime par un certain niveau de raffinement et d'accomplissement et se traduit concrètement par le fait de ne montrer à Dieu que des choses qu’Il aime, de chercher à Lui donner le meilleur de nous tout en luttant contre le pire en nous à travers les situations et la compagnie qu’Il nous envoie. 

 

"Nous sommes en permanence sous le Regard de notre Seigneur Développeur de nos âmes et Nourricier de nos consciences, notre "Rabb" : notre Maître qui cultive notre personnalité comme un agriculteur cultive ses terres." 

 

Le secret de l’ihsan, c’est de travailler et vivre avec amour. C’est aimer Dieu et vouloir être aimé de Lui. C'est travailler avec son cœur, puis avec ses mains, avec intention et attention. Car les actions en elles-mêmes ne valent rien, si ce n’est par les intentions qui les ont fait naître, et un même geste peut avoir des conséquences et un sens diamétralement opposés selon l’intention et l’attention qui le portent. 

 

 

TEXTE ET CONTEXTE : POUSSE LÀ OÙ DIEU TE PLANTE

Comprendre cela, c’est accepter que les opportunités de rencontrer Dieu sont partout, dans chaque situation que nous rencontrons, aussi banales et simples puissent-elles paraître. Car c’est Dieu qui nous a créés, Dieu qui nous connaît le mieux, et qui sait quel est le contexte précis qui peut nous mener vers la croissance. Il s’agit donc d’apprendre à s’ancrer dans cette connaissance, dans l’Amour Divin et dans l’humilité du serviteur nécessiteux dans un premier temps, puis de lire son contexte pour pouvoir s’y enraciner, y faire pousser des racines profondes et solides mues par l’amour et la confiance en Dieu. 

Nous voyons cela dans la nature même : des arbres parviennent à pousser dans des endroits hostiles faits de roches, sans eau, parfois en pente très raide… Mais l’arbre qui a décidé de pousser ne devient pas victime de son contexte. Plutôt, il le comprend et y répond par le meilleur des textes. 

 

L’arbre qui a décidé de pousser ne devient pas victime de son contexte. Plutôt, il le comprend et y répond par le meilleur des textes. 

 

C'est exactement ce que nous sommes appelés à faire dans ce monde : nous focaliser sur notre texte, notre réponse au contexte, et c'est d'ailleurs sur celui-ci que Dieu nous demandera des comptes. Nous ne sommes pas sur terre pour remplir le temps ou occuper l’espace par des agitations vaines, ni pour être obnubilés par le changement du contexte en lui-même, mais plutôt pour construire notre personnalité en s’enracinant dans ce contexte dans lequel Dieu nous a placés avec beauté et amour et pour combler les besoins autour de nous. Nous sommes là pour écrire le plus beau des textes, quel que soit le contexte.

Ainsi, il ne s’agit pas de nier les difficultés ou injustices qui ont effectivement lieu, mais de savoir qui l’on est, ce que l’on cherche dans cette vie, et donc comprendre comment et par quoi répondre aux épreuves que nous trouverons sur notre chemin. 



IL EST TEMPS DE PRENDRE NOS RESPONSABILITÉS

En réalité, le véritable opprimé est celui qui se convainc lui-même du fait qu’il est opprimé et que d’autres humains peuvent avoir le mot final quant à son destin. C’est celui qui vit avec l'idée que les gens ont un pouvoir sur lui et qu’ils ont la capacité de lui donner la justice qu’il réclame. Une personne qui pense de cette façon va continuer de réagir à l’action d’injustice comme une balle de ping-pong lancée contre le mur, n’ayant pour option que de rebondir éternellement, devenant plus fragile à chaque coup, jusqu’à finir par se déchirer.

Car entre action et réaction, il faut choisir. La réaction est simplement la continuation de l’action de l’autre, alors que l'action est le résultat d’un processus conscient et enraciné dans le terreau de la vérité et de la recherche du Bien. Celui qui réagit n’est jamais vraiment libre, il reste coincé dans son mental et ses actions ne sont en vérité que la perpétuation de l’action originale de son oppresseur. Cela revient à subir et non vivre pleinement son contexteAu contraire, être dans l’action, c'est apporter une réponse concrète et mature à ce même contexte, avec son cœur et sa raison, en se basant sur la conscience de Dieu et du but de notre existence. 

 

"Entre action et réaction, il faut choisir. La réaction est simplement la continuation de l’action de l’autre, alors que l'action est le résultat d’un processus conscient et enraciné dans le terreau de la vérité et de la recherche du Bien."

 

Prenons l’exemple des musulmans de la Mecque qui ont vu se former tout un mouvement d’oppression et de persécutions face au Message et à ceux qui le portaient. Malgré tout le mal qui leur a été fait, et ce pendant une longue période de temps, ils n’ont jamais attribué à leurs oppresseurs plus de pouvoir qu’ils n’en avaient en réalité. Ils les prenaient pour ce qu’ils étaient : de simples humains faibles et faillibles. Ils n’ont pas subi les épreuves en criant à l’injustice mais plutôt il les ont accueillies avec acceptation et force, les ont vécues et transcendées en en faisant des opportunités pour chercher le meilleur en eux, des occasions en or de prouver qui ils étaient et d’atteindre de plus haut niveaux de conscience et de confiance totale en Dieu. A l’image de notre maître Bilal (que Dieu nous connecte à lui et à son héritage béni) qui était un “esclave” dans le monde physique, mais qui était en réalité la figure même de l’Homme libre, car il reconnaissait que Seul Dieu avait un pouvoir, un contrôle et un rôle à jouer dans sa vie. 

 

"Être dans l’action, c'est apporter une réponse concrète et mature à ce même contexte, avec son cœur et sa raison, en se basant sur la conscience de Dieu et du but de notre existence." 

 


SE FIXER LES BONNES PRIORITÉS

Notre obsession avec le mal que les autres commettent contre nous, que ce soit à titre personnel mais surtout en tant que communauté, ne nous mène nulle part, si ce n'est à nous vider de toute notre énergie. Être obnubilé par ces pensées-là, c'est finir paralysé et donc mis sur la touche. On se retrouve dominés par cette obsession, coincés dans notre mental et dans la dimension des liens de cause à effet, et par conséquent privés de notre capacité d’attention pour chercher Dieu et pour nous évaluer honnêtement sur ce qui compte vraiment :  faire notre introspection et méditer sur notre état et notre évolution vers l’intégrité morale et la maturité spirituelle (ihsan). Voilà un exercice d’introspection quotidien auquel nous devrions nous soumettre : nous sonder de l'intérieur, avec honnêteté et authenticité afin d’évaluer si nous avons fait preuve de plus de maturité et de raffinement spirituels que la veille. 

 

"Voilà un exercice d’introspection quotidien auquel nous devrions nous soumettre : nous sonder de l'intérieur, avec honnêteté et authenticité afin d’évaluer si nous avons fait preuve de plus de maturité et de raffinement spirituels que la veille."

 

Mais qui se livre à ce genre d’exercice de nos jours ? Lorsque nous devenons obnubilés par ce qui se passe dans le monde, nous n’avons plus la capacité de mener la plus importante des batailles : celle de demander à notre Seigneur de nous guider et de nous permettre de vivre notre vie en quête des opportunités qu’Il nous envoie. Car, nous l’avons dit, voilà le vrai et inévitable terrain de bataille : le terrain du cœur et de l’intérieur, et ce même pour ceux qui se trouvent sur un champ de bataille physique.

 

Celui qui se tourne vers la bataille de son cœur avant la bataille pour la justice doit s’employer à développer quatre principes de base en lui qui sont :

  1. La cultivation de la compassion et de l’empathie (rahma) avant la cultivation de la colère (ghadab),
  2. La cultivation de l’amour en Dieu (al-hubb fi Llah) avant la cultivation de l’aversion en Dieu (al-bughd fi Llah), 
  3. La cultivation de la perméabilité à la beauté et à la bonté et à ceux qui y invitent (adhillatan ‘ala l-mou’minin) avant la cultivation de l’imperméabilité aux méfaits et à l’injustice et à ceux qui les commettent (a’izzatan 'ala l-kafirin)
  4. La cultivation de la loyauté envers ce qui satisfait notre Seigneur (al-wala’) avant la cultivation du reniement de ce qui ne Le satisfait pas (al-bara’), 

 

Chacune des qualités cultivées en premier lieu va alors se trouver en capacité de prendre le dessus sur l’autre, tout en la laissant s’exprimer quand le besoin s’en fait ressentir, mais toujours en lui fixant des limites. C’est elle qui prévaut, elle qui donne le ton, la couleur de la personnalité. Ainsi, en se construisant sur ces quatre principes, celui qui priorise la bataille sur le terrain de son cœur verra naître quatre qualités en lui, des vertus qui deviendront à la fois ses armes et le carburant qui le mènera (lui et le monde autour de lui) vers une véritable Renaissance islamique. Il deviendra une personne :

 

  1. qui pardonne à celui qui l’opprime.
  2. qui se montrera généreux et charitable envers celui qui le prive.
  3. qui tendra continuellement la main à celui qui tentera de couper les liens avec lui.
  4. qui fera preuve d’intégrité morale et de magnanimité envers celui qui le maltraitera.

 

Voilà les qualités d’une personnalité saine, d’une personne qui pourra instaurer la paix autour d’elle et dans le monde. Cette personne sera à même de marcher sur Terre en tant que guide vers la lumière (da’i) et non comme un juge intransigeant (qadi). Elle fera abstraction de ses propres attentes envers les autres au sujet de leur développement personnel comme spirituel pour embrasser et se soumettre pleinement à la Sagesse de Dieu et à Sa Volonté quant à la direction de Sa création. Cette personne vivra et agira donc pour Dieu et par Dieu… Et c’est à ce moment-là que Dieu, par Sa Grâce, pourra l’utiliser comme l'instrument par lequel Il guidera vers Lui ceux qu’Il aura choisi de guider..

 


 

 

CELUI QUI SE TROMPE DE PRIORITÉS

Celui qui choisit de prioriser la bataille pour la justice au combat intérieur va implicitement développer et fonctionner sur la base de quatre autres principes qui sont les opposés exacts de ceux mentionnés plus haut :

 

  1. La cultivation de la colère (ghadab) avant la cultivation de la compassion et de l’empathie (rahma)
  2. La cultivation de l’aversion en Dieu (al-bughd fillah) avant la cultivation de l’amour en Dieu (al-hubb fillah), 
  3. La cultivation de l’imperméabilité aux méfaits et à l’injustice et à ceux qui souhaitent l’imposer (a’izzatan 'ala l-karafirin) avant la cultivation de la perméabilité à la beauté et à la bonté et à ceux qui y invitent (adhillatan 'ala l-Mou’minin), 
  4. La cultivation du reniement de ce qui ne satisfait pas le Seigneur (al-bara’) avant la cultivation de la loyauté envers ce qui Le satisfait (al-wala’)

 

Bien que les premiers principes énoncés soient nécessaires face à certaines situations, le fait de les cultiver en premier lieu et de les nourrir plus que leur pendant positif, aboutira à la construction d’une personnalité bien différente de la précédente . Car ici aussi, le principe premier prévaut, donne la couleur et le ton de la personnalité en question. Mais là, le rapport de force n’est pas tout à fait le même : pour chacun de ces principes, on verra le premier principe non pas encadrer l’expression du second, mais plutôt l’étouffer dans l'œuf, l'empêcher de naître et de se développer. Cela aboutira chez la personne à l’apparition de quatre caractéristiques qui vont la dominer et détruire le potentiel de Renaissance islamique (en elle et autour d’elle). Ce sera une personne qui :

 

  1. jugera les fautes des autres (tafsiq)
  2. s'emploiera à mettre en évidence les innovations dans la religion (tabdi’)
  3. excommuniera ses confrères musulmans (takfir)
  4. sera une bombe de violence et de destruction (tafjir)

 

Cette personne marchera ainsi sur terre avec la posture d'un juge intransigeant (qadi) et non en tant que personne qui souhaite guider les autres vers la lumière (da’i). Satan (que Dieu protège toute la création de son mal) se servira d’elle pour éloigner plus de gens que ceux que la personne aurait voulu guider, corriger et réformer. Elle s’accrochera de toutes ses forces à sa vision de ce que les gens devraient faire ou ne pas faire dans la religion et cherchera à leur imposer cette vision aux dépens de leur bien-être, voire même de leurs vies. Son manque de soumission à la Volonté Divine sera un frein fatal à son projet d’appel à Dieu, et Il refusera par conséquent de faire d’elle un instrument du bien.

 

 

 NOUS NE NIONS PAS LES FAITS

Il n’y a aucun doute sur le fait que l’oppression envers les musulmans aujourd’hui est bien réelle à travers le monde, tout comme envers les peuples du tiers monde, les peuples autochtones, les communautés noires, ainsi qu'envers toute personne qui souhaiterait s’affranchir des codes de la modernité au sein même de l’occident. Les musulmans font face à de l’injustice, à de la marginalisation et à de la provocation. C’est indéniablement vrai. 

La question n’est pas là en vérité. La question est : sous quelle forme est-ce que la recherche de la justice devient acceptable par Dieu ? Quels sont les moyens qui nous ont été donnés par notre guide de lumière, le Prophète Mohammed (que Dieu continue de nourrir son être, sa lumière et notre connexion à lui) pour améliorer cette situation ? 

 

"Si nous n’apprenons pas l’intégrité morale et le raffinement spirituel (ihsan) avant toute autre chose, nous ne réussirons pas à œuvrer pour la justice de la manière qui plaît à Dieu, de la façon qui nous rapproche de Lui et qui sert vraiment l’humanité." 

 

Car pour toute personne qui s’est engagée à honorer le dépôt de foi et de lumière que Dieu a placé dans le cœur de chaque être humain, pour toute personne qui souhaite vivre cette vie en toute harmonie avec l’intention de sa création (ceux que nous appelons mu’minoune ou muslimoune, traduits souvent respectivement par "croyants" et "musulmans"), c’est cette question qui compte, étant donné que cette vie n’a pas d’autre but que de nous rapprocher de notre Créateur. Et là, nous comprenons que si nous n’apprenons pas l’intégrité morale et le raffinement spirituel (ihsan) avant toute autre chose, nous ne réussirons pas à œuvrer pour la justice de la manière qui plaît à Dieu, de la façon qui nous rapproche de Lui et qui sert vraiment l’humanité. 

Si ce que nous cherchons avant tout, c’est offrir à nos cœurs la paix et la sécurité, et bien le Qor’an nous le dit clairement : “c’est certainement en méditant et en développant notre conscience de Dieu que les cœurs trouvent la sérénité et la paix”. Par exemple, méditer sur le fait que Dieu est le plus Grand (plus Grand que toute injustice ou problème que nous pourrions rencontrer, sur le fait qu’Il peut, d’un seul ordre, complètement stopper les oppresseurs, etc.) notre cœur trouve immédiatement la sérénité et la paix. Et pourtant, la manière avec laquelle nous nous comportons montre que nous avons complètement oublié le rôle de Dieu dans nos vies, et que nous avons même oublié l’objectif de nos vies en réalité.

Soyons clairs, avoir de la compassion pour les gens qui souffrent est absolument nécessaire, mais c’est ce qui suit ce sentiment qui détermine qui nous sommes. Honnêtement, combien d’entre nous, après avoir entendu une mauvaise nouvelle liée à l’actualité, se tournent vers Dieu ? Et qu’est-ce que cela nous indique au sujet de notre foi, si nous ne nous tournons pas vers le Tout-Puissant pour demander Son Aide dans des situations que nous trouvons insupportables ? À quel point notre souci pour ces gens est-il sincère, si ce souci ne nous pousse pas à sacrifier ne serait-ce que dix minutes de notre sommeil par nuit pour supplier notre Seigneur à une heure à laquelle Il nous a promis qu’Il répondrait à toute demande ?

Au lieu de cela, nous passons des heures à lire des articles sur le même événement (un seul n’est jamais suffisant), à partager des liens et à argumenter sur Facebook, tout en nourrissant un sentiment de haine envers les oppresseurs et envers quiconque serait en désaccord avec nous. Nous nous sentons ensuite trop épuisés pour daigner faire une seule prière pour ces gens pour lesquels nous disons tant nous soucier. Or, ne nous y trompons pas, Dieu Seul peut donner la Victoire contre l’oppression, elle ne dépend en aucune façon de nous, et encore moins de nos commentaires Facebook.

 

 

NOS ANCÊTRES SPIRITUELS 

Il est nécessaire de s'intéresser à la manière dont nos ancêtres spirituels ont répondu à ce genre de situation. Car nous ne faisons que marcher dans les pas des gens de la conscience qui nous ont précédé et nous ont balisé la voie.

Cinq ans après la première Révélation, les persécutions à l’égard des premiers musulmans se sont généralisées. Selon Ibn Ishaq, le Prophète Mohammed (que Dieu continue de nourrir son être, sa lumière et notre connexion à lui) ne fut pas persécuté lui-même dans un premier temps, mais ses disciples le furent. La stratégie des oppresseurs était de les retourner contre leur Guide, ou de les provoquer pour le mener à un conflit ouvert, mais lui était un être humain mature, un Maître spirituel plein de sagesse ayant reçu un ordre de Dieu. Il n'était jamais dans la réaction, il s'inscrivait en tout temps dans l'action consciente.  

Ces oppresseurs qui voulaient éteindre la lumière de cette nouvelle opportunité de direction et de salut que Dieu offrait à l’humanité croyaient qu’ils pouvaient accomplir leur dessein en torturant les corps de ceux qui portaient cette lumière dans leur cœur, tout simplement car ils ne croyaient pas à l’existence du cœur spirituel. En réalité, par ce déni, ils s'opprimaient eux-mêmes, et ils erraient dans cette vie, convaincus que rien n’existait au-delà du monde matériel. Ils ont donc traité avec les musulmans à ce niveau matériel alors que ces derniers étaient à un tout autre niveau, au niveau de l’esprit.

Ibn Ishaq nous raconte à quel point les méthodes de torture et d’humiliation pouvaient aller loin, comme par exemple le fait que les oppresseurs habillaient les croyants avec de l’acier pour ensuite les laisser brûler au soleil. Celui qui menait et mobilisait les Quraysh à tourmenter et assassiner les musulmans était ‘Amr Ibn Hicham connu sous le nom d’Abou Jahl. Il a même torturé à mort notre mère Soumaya et son mari, notre Maître Yassir (que Dieu nous connecte à leur héritage) : deux brillants exemples de gens qui avaient trouvé la paix avec Dieu et qui s’étaient détournés de l’existence matérielle au profit des réalités spirituelles de la vie. Que Dieu nous permette de marcher dans leur pas en nous donnant entièrement à Lui.  

A ce moment-là, notre maître Omar ibn al-Khattab (que Dieu nous connecte à son héritage béni), qui n’avait pas encore vécu son éveil spirituel, était impliqué dans ces attaques. Il s'y employait avec force et conviction, car c'était là son tempérament. C’était un homme qui avait un sens de la justice très élevé, et à cette époque, dans sa noirceur, il lui semblait que les enseignements du Prophète (que Dieu continue de nourrir son être, sa lumière et notre connexion à lui) étaient dangereux car ce qu’il constatait autour de lui n’était que division de la société, conflits dans les familles, dans les couples et entre amis. 

Sa conception de la réalité était déformée et son sens de la justice n’était pas encore illuminé par la maturité et le raffinement spirituel (ihsan) et par une compréhension plus élargie qui ne peut se faire que grâce à une connexion à Dieu. Son sens de la justice le poussait donc à répondre avec colère, en réaction et avec frustration. 

Nous pouvons dire que cette noble flamme du souci pour la justice en lui était usurpée et utilisée par les forces obscures de son ego, pour finalement le brûler et brûler ceux qu'il pensait être ses ennemis. Puissions-nous être capables de nous reconnaître dans cette description, afin de demander à notre Seigneur de nous affranchir de cet ego qui colonise, opprime et manipule le bien (fitra) que Dieu a placé en chacun de nous. 

 

 

L’HISTOIRE DE NOTRE MAÎTRE KHABBAB

Durant cette période de persécution, notre maître Khabbab ibn al-Aratt (que Dieu nous connecte à lui et à son héritage béni) subissait une vraie torture de la part de sa propre mère qui agissait par loyauté envers son clan. Là encore, si la loyauté est un sentiment noble (devenu rare de nos jours) qu’il nous faut nourrir et développer, on voit dans ce cas précis, que cette valeur a été détournée par l'ego dans le but de faire du mal, puisqu’elle s'efforçait avec zèle de tout mettre en œuvre pour sacrifier son fils au nom de cette loyauté. 

Les actes qu’elle perpétrait seraient aujourd’hui considérés comme des actes de barbarie : elle brûlait la chair de son propre fils avec des pierres tout juste sorties du feu. Elle lui donnait par la suite une pause pour qu'il ressente bien la douleur et qu'il redoute la prochaine pierre sur son corps endolori, tout cela dans l’objectif de le faire revenir sur sa décision de suivre le Messager de Dieu (que Dieu continue de nourrir son être, sa lumière et notre connexion à lui)‎‬.

Durant une de ces pauses, Khabbab est parti, épuisé, rencontrer son Bien-aimé, alors que celui-ci était à la Ka`ba, et lui a dit : "Ne prieras-tu pas contre eux ? Ne prieras-tu pas pour nous, ne demanderas-tu pas à Dieu de nous accorder la victoire ?"

Quelle fut la réponse de notre Guide ‎‬? Avec un grand souci pour son disciple, il se leva de toute sa stature, son Visage Béni rougi (ce qui arrivait lorsqu’il était intensément soucieux), et dit : "Les croyants qui nous ont précédés (faisant référence aux disciples de Jésus, que Dieu continue de nourrir son être, qui furent persécutés pendant plus de 400 ans) étaient peignés avec des peignes de fer qui séparaient leur chair et leurs nerfs de leurs os, mais ils n’ont pas fui de la direction que Dieu leur avait donnée. Leurs oppresseurs avaient l’habitude de prendre l’un des leurs, de lui placer une scie sur sa tête, puis de couper son corps en deux moitiés, devant le regard de ses frères. Pourtant, aucun d’entre eux n’abandonna la direction qui venait de leur Seigneur."

Il regarda ensuite Khabbab dans les yeux, lui tenant la main, et lui dit : "Ce n’est pas ton empressement et ta frustration qui hâteront le moment où Dieu te donnera victoire, mais c’est plutôt ta patience. Sois patient et endurant. Sois patient et aie confiance en Dieu."

Il récita ensuite la sourate 103 :

"Par le Temps qui passe et que personne ne peut rattraper ou contrôler,

L’être humain certes, par défaut, tombe dans l’inconscience

À l’exception de ceux qui placent consciemment leur confiance absolue en Dieu et qui honorent le dépôt que Dieu leur a confié, qui se rendent perméables aux enseignements divins et qui saisissent toute opportunité qui se présente à eux pour agir avec conscience dans l'amour et la recherche de la satisfaction de leur Seigneur, qui font tout pour vivre avec Dieu

Et qui se conseillent mutuellement dans la Vérité, et s’encouragent à être patients les uns envers les autres ainsi qu’envers le décret Divin, peu importe le contexte, se rappelant que c'est Dieu qui donne victoire et que toute cette existence n’a pour but que de mener à Lui."

 

Le Messager de Dieu dit ensuite avec une profonde certitude : "Au Nom de Dieu, Dieu donnera la victoire à Sa Direction jusqu’à ce qu’il y ait une paix, une liberté et un bien établi sur terre, au point qu’une femme pourra voyager seule de Sanaa jusqu’à Hadramaout (une route habituellement très dangereuse), et n’aura rien à craindre à part Dieu Lui-même".

 

 

LE SOUCI PROPHÉTIQUE

Quelle manière splendide de rassurer Khabbab et de le mener à un tout autre niveau de conscience. Le Prophète Mohammed (que Dieu continue de nourrir son être, sa lumière et notre connexion à lui) a saisi ce moment pour nous enseigner une leçon importante : la victoire matérielle et physique n’était pas son premier souci ni sa demande prioritaire. Car il connaissait bien son Seigneur et avait une excellente opinion de Lui. Il avait une confiance absolue dans le fait que la victoire viendrait, en temps voulu. Dieu l’avait promis. 

Ce dont le Prophète se souciait en revanche, c’était de sa mission : celle d’installer une confiance et une perméabilité complète en Dieu chez ses compagnons. Car ce que nous appelons foi n’est pas une croyance abstraite, elle doit se manifester en nous, dans notre attitude et nos réponses au contexte, par une confiance absolue en Dieu : une confiance en Son Plan basée sur la connaissance du fait qu’Il voit tout ce qui se passe et qu’Il ne néglige pas la moindre douleur ressentie par une personne, une confiance et une opinion positive dans le fait qu’Il apportera un soulagement en temps voulu, et finalement, la patience pour s’en tenir à toutes ces convictions. 

 

"Ce que nous appelons foi n’est pas une croyance abstraite, elle doit se manifester en nous, dans notre attitude et nos réponses au contexte, par une confiance absolue en Dieu."

 

Cela implique également une perméabilité : savoir appréhender les épreuves que l’on rencontre sur son chemin comme faisant partie du travail de développement et de maturation de nos personnes voulu par notre Seigneur Développeur de nos êtres et Nourricier de nos consciences, notre Maître Cultivateur de nos personnalités qui veille sur nous (Rabb), comme un fermier veillerait à apporter aux graines qu’il vient de planter les nutriments nécessaires pour les faire germer et pousser.

Toute situation et toute épreuve que nous rencontrons a pour but de nous faire vivre l’état de pauvreté et de besoin de Dieu, et de nous permettre d'abandonner notre prétention de contrôle et nos illusions de grandeur afin de nous rapprocher de Lui en toute humilité et dépendance. Le Meilleur des Guides‎ (que Dieu nous connecte à sa lumière) voulait s’assurer que ses compagnons comprenaient ce qui se jouait et qu’ils en tireraient le plus grand des bénéfices qui est l’approfondissement de leur relation avec le Divin.

Car c’était là le processus de purification et de préparation que Dieu avait choisi pour les premiers musulmans. L’oppression et la persécution qu’ils ont rencontrées, eux, les gens les plus honorés de toute l’humanité, ne sont pas des tragédies historiques ni des purs hasards. Ce sont des moments clés qui ont eu un rôle aussi important dans le modelage de cette génération que dans la Révélation elle-même.

 

 

LE PROPHÈTE A PRIÉ POUR LES OPPRESSEURS

Un an seulement après que notre mère Soumaya et notre Maître Yassir ont été brutalement assassinés par Abou Jahl, notre Bien-aimé Prophète (que Dieu continue de nourrir son être, sa lumière et notre connexion à lui) a formulé cette prière : "Ô Dieu de mon cœur, Plus Proche de moi que moi-même, renforce notre travail d’invitation à Ta Lumière et à Ta Paix à travers l’un de ces deux hommes que tu choisiras, 'Omar bin Al-Khattab ou ‘Amr bin Hisham [Abu Jahl]."

Soyons assez courageux (et honnêtes) pour nous poser cette question : si nous étions téléportés devant cette situation avec nos mentalités actuelles, accepterions-nous que le Prophète prie pour ces deux oppresseurs, au lieu de les condamner ? Pourrions-nous même accepter la possibilité que Dieu choisisse le bien pour l’un de ces deux auteurs notoires de l’injustice de masse qui avait lieu - et ce alors que nous connaissons l’issue merveilleuse de cette prière ? 

 

"Notre confiance doit se placer en Dieu, car Lui Seul ne commet aucune erreur de jugement, aucune faute d’appréciation."

 

Les choses ne sont pas nécessairement comme nous les percevons. Nous, êtres humains, sommes des êtres complexes, faibles et souvent incohérents. Nous sommes constitués de plusieurs dimensions (physique, mental, rationnel, émotionnel, spirituel), et nous ne savons pas toujours qui parle en nous au moment où nous émettons un jugement que nous pensons pourtant être juste et définitif sur les événements qui nous entourent. Nous ne devons pas porter une confiance absolue en nos sentiments, nos impressions, car nous n’avons que rarement accès à tous les détails d’une situation donnée et à tout le panel de réponses qui pourraient lui être données.

Voilà pourquoi notre confiance doit se placer en Dieu, car Lui Seul ne commet aucune erreur de jugement, aucune faute d’appréciation. Et la meilleure manière de placer notre confiance en Dieu, c’est de suivre Son Messager, de marcher dans ses pas scrupuleusement, de penser de manière profonde que c’est lui qui sait mieux que nous ce qui doit être fait dans toute situation, et c’est pour cela qu’il nous a montré la voie.  

Se rappeler du comportement prophétique face à l’oppression à la Mecque doit nous permettre de rester toujours vigilants quant à nos certitudes et nos partis pris devant toute situation. Méditer et comprendre la Sunna nous oblige à réaliser à quel point sa portée est vaste et globale, combien elle concerne énormément de points différents, notamment les manières de répondre aux situations avec lesquelles nous ne sommes plus familiers mais que nous devons réapprendre si nous visons vraiment la paix et l’harmonie dans ce monde et avec le Divin. 

Nous devons laisser le comportement prophétique dicter nos réponses aux événements qui nous arrivent car notre pensée instinctive est limitée et bien insuffisante pour cerner et comprendre la Sagesse Divine qui fut donnée au Guide (que Dieu nous nourrisse de sa lumière et nous connecte à lui) ainsi qu'à ceux qui marchent dans ses pas aujourd’hui. Voilà la victoire que nous devons chercher en tant que communauté :  celle de mettre nos propres pensées et certitudes au défi, de les réinterroger et ne pas les prendre pour vérités absolues, surtout si elles viennent en contradiction avec un enseignement prophétique. Il s'agit donc, ni plus ni moins, que de donner les pleins pouvoirs sur nous au Prophète Mohammed (que Dieu nous connecte à sa lumière). Et si nous essayions vraiment, pour voir ce que cela produit comme changement dans le monde ? 

 

 

CONCLUSION : LE BESOIN DE L’ÉPOQUE

Nul doute que nous vivons des temps bien particuliers et que nous devons donc nous poser les bonnes questions. Nous l’avons vu, lire le contexte et analyser les besoins auxquels Dieu nous invite à répondre pour pouvoir grandir est une étape importante à ne pas négliger. Il est donc temps de s’interroger : quel est le devoir de notre époque (wâjib al-waqt), la chose que l'époque dans laquelle nous vivons nous appelle à faire ?

Car pour toute époque, il existe une action particulière qui doit absolument être faite et qui peut nous mener à la satisfaction Divine, l'action qui garantit la paix intérieure et le bonheur éternel à ceux qui la mettent en œuvre et dont la non-exécution plonge au contraire dans une éternelle insatisfaction. 

 

"Le besoin de notre époque est donc l’Amour et la Compassion (Rahma) : toute action ou parole qui vise à soulager la souffrance des autres."

 

Pour un cœur intelligent, il est assez facile de comprendre quel est le besoin ultime de notre temps, il suffit de regarder autour de soi. Nous voyons partout autour de nous et dans le monde énormément de souffrance, des cœurs qui saignent et une humanité aliénée de sa nature, de ses besoins réels et privée de sa capacité à agir. Cette souffrance est bien palpable pour qui a un cœur attentif, et pour qui veut voir. Le besoin de notre époque est donc l’Amour et la Compassion (Rahma) : toute action ou parole qui vise à soulager la souffrance des autres. 

Si nous souhaitons améliorer l’état du monde, il nous faut inviter la Compassion et l’Amour Inconditionnel Divins (Rahma) dans nos vies. Nous devons donc commencer par nous, en nous et autour de nous, nous devons chercher à nous aligner en laissant cet Amour Inconditionnel couler en nous et à travers nous en la pratiquant autour de nous, même à une échelle qui paraît petite et dérisoire. Commencer par ses proches, par ses voisins, comme notre Prophète Bien-Aimé (que Dieu nourrisse son âme) nous l’a enseigné. 

Nous sommes des serviteurs de Dieu. Qui nous a demandé de jouer Son rôle ? Notre souci légitime pour l’état du monde et pour les discriminations ne doit pas devenir un handicap pour nous. En tant que serviteur, acceptons notre condition : celle d'être infiniment petit. Et c’est là que Dieu nous donnera une Force venant de Lui, cette Force qui ne peut être reçue que par celui qui se voit comme petit et insignifiant, celui qui remplit simplement les devoirs qui se présentent à Lui et qui n'entretient pas d’illusions de grandeur quant à son rôle dans cet univers et son destin.

Et dans notre combat intérieur tout comme dans nos luttes extérieures pour l’amour et la compassion, que notre slogan soit ce cri de rappel, d’espoir et de ralliement de toutes les âmes en souffrance : "Dieu nous suffit, et Il est le Meilleur des Alliés et Protecteur" (hasbounAllah wa ni’ma l-Wakil).

 

 

 

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