Achoura : l'Imam Hussein comme modèle pour développer sa personnalité

achoura hussein marcher dans les pas des maîtres de la conscience mouharram se développer en tant qu'être humain Aug 08, 2022

Nous vivons le début de la nouvelle année islamique, début d’année qui est marquée par le souvenir de la Hijra, la migration des compagnons (qui se conclura par celle du Prophète au mois suivant, le mois de Safar) de la Mecque vers Médine, mais aussi par celui du martyr et de l’ouverture de l'Imam al-Hussein (que Dieu continue de nourrir son être et nous connecte à son héritage). Dieu a ainsi décidé de connecter l’histoire du petit-fils avec celle de son grand-père, et il en est toujours ainsi : l'histoire de l’héritier est toujours connectée à celle de son ancêtre. L'histoire de l’imam de son temps est également toujours connectée à l'histoire du premier Imam (que Dieu continue de nourrir son être, sa lumière, la force de son âme, son héritage spirituel ainsi que notre connexion à lui). Certes, nous savons que ce n’est pas par Révélation que la date de début d’année a été fixée au mois de Mouharram, en l’honneur de la Hijra. Mais en réalité, tout relève de la Volonté et du Dessein Divins, surtout dans ce genre de décision. Il faut donc voir une Volonté Divine dans le fait que la Hijra et le martyr de l’Imam Hussein soient célébrés dans les mêmes jours, ainsi que dans le fait que ces événements marquent une nouvelle année, un nouveau cycle, un nouveau départ. A nous d’en tirer les enseignements. 




Quelques enseignements sur le lien entre la Hijra et le jour de Achoura

 

Méditation sur la Hijra : sortir de sa zone de confort pour devenir plus fort

Dieu veut que notre vie soit une vie de migration, une vie faite de mouvement qui vise à nous faire passer de notre zone de confort à notre zone de Renfort : celle de la confiance en Dieu et de la confiance en soi. Tout ce chemin de vie n’a pour but que cette philosophie, et c’est ainsi que l’on écrit son histoire avec Dieu : lorsque l'on décide de laisser derrière soi tout ce qui empêche la croissance et que nous nous donnons et nous abandonnons entièrement à ce chemin.. 

 

 

La zone de confort est une zone dangereuse, mortelle. En effet, on peut se sentir “confortable”, très à l’aise dans des situations très compliquées, étranges voire même vraiment inconfortables et périlleuses vues de l’extérieur ! Combien de personnes se sentent bien dans des situations qui ne sont pas confortables du tout, voire même des situations qui les détruisent chaque jour ? Et pourtant, elles sont à l’aise avec cela, habituées à ce confort/inconfort et ne cherchent pas à changer les choses, ni à quitter ces situations tant que rien ne les y pousse. Toute la philosophie de la Hijra nous invite au contraire à abandonner notre zone de confort, à nous défaire des choses, des informations, des endroits auxquels nous nous sommes habitués. A se remettre en question et se mettre au défi au Nom de Dieu pour trouver la zone du Renfort qui vient de Dieu.  

 

Pour aller plus loin, lisez notre série d’articles sur la Hijra de notre Maître Moussa intitulée Les cinq prières de Moïse.

 

Réflexion sur le jour de Achoura : l'Imam Houssein comme patrimoine universel pour toute l'humanité

En ce jour de Ashoura, beaucoup cherchent à se remémorer les faits qui se sont produits ce triste jour de Kerbala, jour du martyr de notre bien-aimé Imam Hussein. Cependant, je pense qu’il existe quelque chose de prioritaire au fait de s’intéresser aux faits en eux-mêmes. Car l’histoire n’est pas seulement là pour nous faire apprendre des événements, des faits et des dates. L’histoire vient en tout premier lieu nous parler de ces hommes et ces femmes qui ont fait l’histoire.  

Qui est l’Imam Hussein ? Qui étaient ces gens qui l'ont accompagné, ces gens qui ont réussi à bien vivre le contexte le plus difficile ? Qui sont ces personnes qui ont lutté et n’ont pas laissé le passage du temps modeler leur personnalité et en faire des gens ratés et amers ? Qui sont ces gens qui ont résisté à la pression du temps (al-asr) qui vient comme une essoreuse, laissant nombre de gens corrompus et perdus (khusr), écrasés par le poids de leur époque et de leur contexte ? Ces gens dont Dieu nous parle dans la sourate 103 (al-’Asr) : 

 

“Par la pression du temps,

L'être humain est par nature et par défaut en train d’être corrompu et en perdition,

Sauf ceux qui placent leur confiance et leur foi en Dieu,

Qui s'efforcent d’agir dans le bien,

Qui s'appellent mutuellement à la Vérité,

Et qui s’encouragent et se soutiennent les uns les autres à être fermement engagés et dévoués”.

 

Lorsqu’on pense que l’Imam Hussein a quitté le monde terrestre à l’âge de 45 ans… Que savons-nous de lui, de sa vie avant son dernier jour ? Avons-nous conscience de ce qu’il représente, du fait que nous devrions tous et toutes nous intéresser à qui il était, au-delà de toute appartenance religieuse. L’Imam Hussein n’est ni sunnite, ni chiite, ni même une exclusivité du club des “musulmans” tel qu’on le conçoit aujourd'hui. Il est bien plus que tout cela : c’est un être humain accompli, complet dont l'histoire relève du patrimoine universel de toute l’humanité. Chaque être humain, quelle que soit son ethnie, sa culture ou sa religion devrait pouvoir avoir accès à lui. 

Pourtant, que savons-nous de lui ? De sa charité ? De sa manière d’interagir avec ses femmes, ou d'élever ses enfants ? De son comportement avec les gens ? Malheureusement, il a été comme réduit au jour de Kerbala. On ne connaît de lui que la façon dont sa vie s’est terminée, que ce tout dernier jour, chacun se repliant derrière son groupe, adoptant la position qu’on lui dit de prendre pour ne pas se voir remis en question dans son appartenance, comme si chercher plus loin reviendrait à détruire l’identité de ceux qui s’y risqueraient. Notre identité de club ou de clan nous est si chère, elle qui n’est pourtant qu’une zone de confort extrêmement surcotée… car honnêtement, de quelle identité parle-t-on ? Ce n’est qu’un échec, ni plus ni moins. Comment pouvons-nous être attachés à une chose si corrompue ? Beaucoup sont dans la fierté de se targuer “je suis sunnite”, “je suis chiite”... Mais dans les deux cas, cela ne peut être une fierté en soi ! De plus lorsqu'on voit que notre identité sociétale ou politique n’est pas quelque chose qui nous bâtit en tant que personnalité saine, ce n’est plus que distraction et arrogance. Nous nous sommes réduits à une identité politique, une zone de confort que l’on ne veut pas quitter.  

 

Apprenez à connaître l'Imam Houssein à travers sa prière de Achoura en visionnant notre vidéo :

 

Ainsi, pour les sunnites, il est vu comme un personnage lointain, qui doit surtout rester loin et à propos duquel on ne dit pas trop chercher d’informations complémentaires. Pour les chiites, il est tel une image au ciel, un symbole qui doit surtout ne jamais descendre sur terre ! Un peu à l’image du christ dans le dogme chrétien : on le divinise pour pouvoir l’envoyer au ciel, procédé qui permet de vivre ici, sur terre, comme on l’entend. En effet, on ne peut avoir une relation avec une image, la relation ne peut se créer qu’avec un être vivant, et nous savons que les Hommes de Dieu, qui plus est l’Imam Hussein parti en martyr, ne meurent jamais. La porte vers une relation authentique est donc toujours accessible, mais en en faisant une image, on le réduit à un abstrait lointain qui ne vient pas interférer dans nos affaires ici sur terre. En effet, le ciel ou le paradis restent des notions très abstraites et lointaines pour qui n’est pas dans une recherche de cet éternel. Ainsi, nous pouvons dire que nous l’avons tout simplement éliminé. Il s’agit ni plus ni moins d’une élimination. En tant que muslims, nous avons tué l'Imam Hussein deux fois ! Ne soyez pas choqué, ce sont bien des musulmans qui l’ont tué, et non des “ennemis de l’islam”. 

Chaque personne qui porte la foi en son cœur a donc une responsabilité, et un devoir de prendre position dans cette affaire. Se positionner sur ce qui s’est passé, chercher la vérité et la reconnaître fait partie du cheminement, on ne peut en faire l’impasse et dire “je n’y étais pas”.. Certes, tu n’y étais pas. Mais des parties de toi y étaient, en quelque sorte. Étaient présentes des personnes avec le même potentiel, qui étaient dans le même état intérieur que celui dans lequel tu te trouves actuellement. Tu n’y étais pas, mais ton manque de courage y était. Tu n’y étais pas, mais ton attachement à ta zone de confort y était. Tu n’y étais pas, mais ton matérialisme ainsi que ton manque de gratitude et tant d’autres choses qui sont actuellement en toi étaient déjà là, bien présents.




Apprendre à connaître l'histoire de Achoura pour développer nos personnalités 

 

Achoura où la lutte intérieure entre le bien et le mal

Nous avons vu que l’histoire nous parle des êtres humains avant de nous parler de faits et de dates. Il nous faut préciser que l’histoire ne vient pas nous parler de ces gens pour qu’on les voie comme des personnages théoriques et surtout très extérieurs à nous. Ce sont plutôt des projections des bonnes et mauvaises qualités qui sont en toi et moi aujourd'hui. Ainsi, lorsque Dieu veut que nous apprenions un élément historique, c’est pour nous montrer comment vraiment développer nos personnalités, pour nous inviter à l’introspection. 

Il ne s’agit pas de choisir un clan juste pour se bâtir une identité sociale ou politique. Il s’agit de s’interroger : qu’est-ce que j’aurais fait à leur place ? Quels choix aurais-je pris ? Car, soyons honnête, personne ne veut être dans le mauvais camp. Même devant un film, ceux qui sont criminels dans la vie vont refuser de s’identifier à ceux qui jouent les criminels à l’écran. La théorie est une chose, mais la question que l’on doit honnêtement se poser est : comment est-ce que je me serais positionné dans les faits ? Aurais-je été avec l’Imam Hussein ce jour-là ? Ou contre lui ? Aurais-je été de ceux qui ont dit “mon cœur est avec toi, mais mon épée est contre toi”, incapables d’avoir le courage de choisir la Vérité face à l’oppression d’une masse inconsciente et criminelle ? Ou aurais-je plutôt été avec ceux qui auraient choisi son camp, celui du bien et du vrai, quitte à tout perdre sur le plan matériel et social, quitte à perdre la vie ?  

Ce qui se joue ici, c’est une bataille sur le plan des qualités humaines, des vertus et de la morale. C’est un affrontement entre l’être humain bon et fiable qui a nourri les qualités de la personnalité saine contre l’être humain corrompu qui a laissé le vide en lui le dévorer. En effet, nous avons tous des vides en nous, mais allons-nous laisser ces vides devenir des trous noirs et nous dévorer, nous aspirer tout entier ? Et allons-nous nous laisser définir par cette bassesse en nous ? Telle est la question. 



Pour aller plus loin, lire notre article : Achoura, un appel au sacrifice et à l'introspection

 

Chercher à connaître l'Imam Houssein pour apprendre à l'aimer

Avant de choisir la facilité de se faire une opinion sur l’histoire de Kerbala en fonction de son appartenance à tel ou tel groupe religieux, prenons donc le temps de découvrir qui était l'Imam Houssein (que Dieu nous connecte à lui et à son héritage), de chercher à en apprendre plus à son sujet. Malheureusement, si l’on est sunnite, la littérature que l’on trouvera à son sujet sera extrêmement pauvre et réduite. On ne trouvera que les paroles du Prophète Mohammed (que Dieu continue de nourrir son être, sa lumière, la force de son âme ainsi que son héritage spirituel et notre appartenance à lui) a prononcées le mentionnant, mais rien de plus. Rien sur sa personnalité, sur son attitude face à la vie, sur la manière dont il a été élevé, sur la façon dont il a lui-même élevé ses enfants… Il reste un mythe assez mystérieux.  

Si l’on regarde dans la littérature chiite, on va au contraire trouver beaucoup d’histoires, mais ces histoires ne viennent pas nous présenter un modèle humain que l’on peut suivre. Il y est plutôt présenté comme un héros mythologique, et ce n’est pas cela dont nous avons besoin en tant que communauté. Ce dont nous avons besoin, c’est de voir l’être humain, fruit du travail de ses ascendants sur lui. Nous avons besoin de voir en lui le fruit de l’éducation de Fatima, de Ali, de Mohammed (que Dieu continue de nourrir leurs êtres ainsi que notre connexion à eux), le fruit de l’éducation prophétique, du curriculum prophétique, ce que j’appelle “l’école de la maison”. 

 

 

 

 

Pour aller plus loin sur le jour de Achoura, regardez notre vidéo : Achoura, que célèbre-t-on, au juste ? 

 

De nos jours, les gens veulent faire l'école à la maison, pensant qu’il s’agit de prendre l’école et de l’amener à la maison. On voit ainsi naître des salles de classe dans les maisons, avec les mêmes choses, le même matériel que celui de l’école, le même planning, les mêmes activités… Mais si c’est la même chose, pourquoi ne pas les envoyer directement à l’école ? Pour ma part, je vois les choses un peu différemment : et si la maison était une école en soi ? Et si la culture familiale et la vie en famille étaient tout ce dont l’enfant a besoin pour grandir dans ses premières années, et apprendre ce qu’il a besoin d’apprendre pour se développer : apprendre à se lever tôt, à réveiller les autres, à préparer le petit déjeuner ensemble et voir si tout le monde ne manque de rien, prendre soin des membres de la famille et de soi-même, etc. C’est cette école-là qui va compter, plus que tout le reste… 

Alors que dire de l’école de la maison du Prophète ? Car oui, avant d’être un Prophète, c’était un homme, un homme complet qui a su transmettre, enseigner, développer des êtres accomplis, sans jamais les faire asseoir sur des bancs d’école dans sa propre maison. Et c’est cela que l’on cherche chez ses héritiers, et notamment chez l’Imam Hussein. On cherche le fruit de ce que l’on appelle la “tarbiya” du Prophète, de Fatima et de Ali : le fruit de l’éducation de l’Institution d’éducation prophétique. 

Nous devrions lire, et chercher, et insister à trouver, même si les informations sont rares, il est vrai. Si on ne trouve pas, il faut se tourner vers la biographie de l’Imam Zayn al-Abidine, son seul enfant resté en vie après Kerbala. Sa biographie est plus accessible, tout comme ses prières regroupées dans l’ouvrage as-Sahifa. Or, on peut connaître un homme à travers ses prières, à travers la façon dont il parle à Dieu… Et quel genre d’homme il était ! Un homme qui prie de cette façon, qui a cette connaissance de Dieu, cette connaissance du Prophète, qui pardonne ses ennemis et qui place sa confiance en Dieu comme lui l’a fait… Un tel être ne peut pas sortir de nulle part, c’est le fruit du travail de développement humain, de développement personnel, de développement spirituel que son propre père, l’Imam Hussein, a opéré sur lui. 

C’est pour tout cela que nous voulons aimer Hussein : pour ses qualités, pour sa personnalité, pour sa moralité, et non pas par fanatisme ou par conformisme envers notre groupe d’appartenance religieuse. Nous voulons l’aimer à travers le fait de le connaître lui, l’être humain vivant, et non pas l’image abstraite. A la manière de ce que Ali a dit à propos de son Bien-aimé Mohammed : 

“Celui qui se rapproche de lui, cherchant à le connaître, finira par l'aimer". 


L’Imam Ali précise bien “cherchant à le connaître”, et non à l’utiliser ou à le consommer. Car il est possible de s’approcher des gens juste pour son propre intérêt, pour les utiliser, et on finit en général par les abuser, ce qui peut aller jusqu’à ruiner leurs vies, que Dieu nous protège. Il s’agit de chercher à le connaître, à le voir et aussi à le reconnaître, à montrer de la gratitude pour l’autre et voir qui il est, d’où il vient, d’où viennent ses actions, ses choix, ses paroles. 

Aussi, nous pouvons élargir cette sagesse à ceux qui cherchent à se rapprocher du Prophète sans vivre à son époque : tous ceux qui ont cherché à lire des ouvrages à son sujet ou à suivre des enseignements parlant de lui, à la recherche de cette connaissance. Connaissance du fait que cela ne coule pas de source, que ce n’est pas acquis qu’une telle personne ait existé, que nous devons montrer pour cela une reconnaissance éternelle et jamais se contenter de l’émerveillement et des premières larmes du début, si vite oubliées… Celui qui prend vraiment le temps de méditer, de s’imprégner va se poser les bonnes questions : quelle genre de personne peut agir comme cela ? D’où vient telle attitude, tel trait de caractère, telle vertu ? De quel arbre provient ce fruit ? Ai-je une graine de ce même arbre en moi ? Est-ce que je peux la planter dans mon cœur ? Lui permettre de germer ? De devenir un arbre ? 

 

 

S'intéresser à Achoura pour son propre développement personnel

Voilà la démarche dans laquelle nous inscrire lorsque nous nous intéressons à de Grands Hommes : dépasser le premier stade de l’émerveillement mental et sentimental pour entrer dans le rationnel, pousser nos racines et chercher en nous-mêmes comment nous pouvons nous aider de cette histoire pour remodeler notre personnalité à nouveau, développer nos personnalités, réapprendre un certain nombre de choses. C’est de cela dont nous avons besoin, car nos personnalités, en tant qu’êtres humains ayant grandi dans le contexte de la modernité, ne sont pas bâties sur des fondations solides. Il s’agit plutôt d’une accumulation de couches de différentes choses, un peu comme à l’image d’une déchetterie… Se sont accumulées l’une sur l’autre, les couches successives des jugements et a priori que nous ont transmis nos parents, puis les enseignants de l'école, les amis, les différentes expériences passées… Chacun a voulu nous transmettre son mode de pensée, sa vision des choses, ce qu’il pensait juste ou mauvais, vrai ou faux, mais sans cohérence entre les différentes couches, sans que nous ayons pu analyser vraiment le tout, en faire une chose recyclée et unifiée. 

La conséquence : on se trouve pleins de contradictions, avec la multiplication de ce que j’appelle des “personnalités poubelles”, que Dieu nous protège. Cette personnalité est incapable d’honorer le dépôt que Dieu lui a confié. Car si la religion est une flamme, il nous faut un récipient, une lampe pour la placer, la  contenir, la préserver. Mais si la lampe est sale, elle ne pourra pas éclairer la maison, ni partager la lumière autour d’elle. Cette lampe, c’est notre caractère, notre personnalité. C’est qui nous sommes, l’humain en nous, ce que nous avons besoin de développer. Ce qui nous manque aujourd’hui.  

Voilà où se trouve notre crise la plus importante : la crise de la morale et de la personnalité. Nous sommes des gens pétris de faiblesses, de contradictions, attachés et habitués à cette très mauvaise version d’eux-mêmes sans même chercher à la changer. Nous passons de la déception de nous-même à la survalorisation de nos personnes du jour au lendemain, passant d’un extrême à l’autre, sans vraiment chercher à commencer le travail sur nous-même pour nous développer et devenir, enfin, de meilleures personnes.

La première étape est donc de sortir du sentimentalisme, véritable crise dans laquelle nous sommes embourbés jusqu’au cou en tant que communauté. On le voit, notre attachement à l’Imam Hussein est réduit à un patrimoine sentimental. Mais qu’en est-il du patrimoine rationnel, émotionnel, spirituel qu’il nous a laissé ? La mémoire de l'Imam Hussein ne devrait pas seulement générer des sentiments (bien que légitimes) de tristesse, de colère envers soi ou envers les autres. Nous devons dépasser ces sentiments, les différencier, les analyser, en permettant que s'opère en nous un réel exercice d’introspection qui me place face à moi-même, qui me pousse à me questionner : qui suis-je en face de cet être humain ?

 

Pour aller plus loin, lire notre article : Achoura, s'aligner avec la lignée alignée

 

Rendre à l'humanité le modèle universel de l'Imam Houssein

Intéressons-nous à ce genre d’êtres humains, et réclamons-les. Réclamons-les en tant qu’enseignants spirituels, en tant que pères, mères, et modèles. En effet, qui mieux qu’une personne qui a été élevée par le Prophète Mohammed (que Dieu continue de nourrir son être, sa lumière et notre connexion à lui) pourrait travailler au développement de notre personnalité ? Réclamons donc cette connexion, cette relation avec ces êtres vivants à partir de cet ancrage. Puis parlons d’eux à partir de ce même ancrage, et là, toute l’humanité les aimera.

Certes, nous voyons aujourd'hui la tournure que prennent les choses, et comment l’humanité se corrompt de plus en plus et court vers sa faillite. Pourtant, il reste encore beaucoup de personnes qui sont en quête, qui cherchent un  modèle à suivre, et c’est une honte pour nous de ne pas avoir rendu accessibles des modèles comme l'Imam Hussein. L’humanité se tourne alors vers des références comme Ghandi ou Nelson Mandela.. Ce qui n’est pas du tout une mauvaise chose en soi, mais qui vient toujours m'interpeller… Où sont nos modèles pour l’humanité ? Où sont présentés les vrais êtres humains de notre traduction qui peuvent servir de modèles à l’humanité ? Malheureusement, ils se font tuer en général, par des ennemis intérieurs ou extérieurs,  puis on les tue une seconde fois, à travers l’histoire. en les réduisant à des symboles, en les plaçant dans une boîte où il est écrit “réservé aux musulmans”, privant ainsi le reste du monde de leur beauté, de leur sagesse, de leur exemple. 

Cela m’a fait beaucoup réfléchir au fil du temps, et j’ai réalisé que le problème est intérieur, comme toujours. En effet, on ne peut présenter un modèle au monde si on n’a pas vu en la personne en question un modèle pour soi-même avant tout. Or, qui cherche un modèle dans la vie ? Celui qui veut vraiment travailler sur lui-même ! 

 

 

Force est de constater que ce n’est pas cela qui se produit. Nous ne cherchons pas des modèles pour nous transformer à leur contact, nous cherchons des idoles à admirer, sur lesquelles projeter toutes nos illusions, nos fausses attentes, jusqu’à en faire des sortes de faux Dieu. Puis si un jour les choses ne vont plus, on se retourne, on en fait nos bouc-émissaires, et on se sert du piédestal où on les avait placés pour tout simplement les pendre haut et court… Sans s’être jamais remis en question, sans avoir bougé d’un pouce intérieurement. On cherche à trouver un enseignant en lui disant : sois le pilote, je vais m'asseoir à l’arrière, je te laisse me conduire au paradis ! Sans vouloir fournir un seul vrai effort, tout comme on idéalise nos pères pendant un temps, avant de les blâmer de manière excessive du jour au lendemain… Jusqu’au jour de leur mort, où nous rebasculons souvent dans l’adoration.. Voilà comment se comportent la majorité d’entre nous. 

Il faut donc avant tout souhaiter la transformation, chercher à vraiment s’élever. La personne qui veut vraiment travailler sur elle-même trouvera un modèle, elle en trouvera même plusieurs. Alors, mon frère, ma sœur, lis entre les lignes, vois ce que les autres ne voient pas. Cherche chez les Hommes de Dieu la personnalité saine qui a été honorée par la Révélation, cherche cette intelligence, ce réceptacle qui a pu recevoir la Révélation que tu dois également chercher en toi-même et développer si tu veux, à ton tour, pouvoir recevoir le dépôt qu’est la Parole Sacrée. 

 

 

Que Dieu nous permette de développer des personnalités saines.

Amine

 


 

Enseignement tiré du sermon du Vendredi donné le 05 Août 2022 à la Mosquée Rhoda à Ottawa

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