Comment limiter la pensée ou lorsque l'idéologie devient religion

Aug 14, 2024

J’ai récemment lu cette citation : 

“La façon intelligente de maintenir les gens passifs et obéissants est de strictement limiter le spectre des opinions acceptables, tout en permettant un débat très animé au sein de ce spectre. Cela donne aux gens le sentiment d’avoir une pensée libre, alors que les présupposés du système sont sans cesse renforcés par les limites imposées à la portée du débat.” - Noam Chomsky

 

Cette vérité a résonné de façon juste et forte, me renvoyant à mon expérience dans le domaine “religieux”... Je pense à ces débats « animés » et à cette « diversité » d’opinions sur de simples questions pratiques de « fiqh » liées aux postures de prière ou à d’autres pratiques rituelles ou aux débats « d’aqida » au sein d’une même école dogmatique tandis que les questions et les enjeux bien plus importants liés à la philosophie de la vie, à l'éthique et à la morale restent absentes et exclues des réflexions !

Depuis la naissance de la « religion islamique » en tant qu’identité politique et idéologie artificielle et contrôlée par le pouvoir, le message a toujours été le même, un message unique et très clair : tant que tu restes obsédé par les règles et les formes du « quoi/comment », on peut t’accepter parmi nous, même si nous allons veiller à avoir un avis différent du tien sur littéralement chaque petit détail ! Mais tu restes toujours un « frère » qui joue au même jeu que nous. Apporte ton bois et viens entretenir notre feu. Veille à ne jamais discuter du « pourquoi » ni à évoquer les questions d’esprit, d’éthique et de moralité, car ce sujet n'est pas acceptable. Si tu oses emprunter cette voie, tu nous trouveras « unis » contre toi. Nous te considérerons alors comme une menace pour l’ensemble de notre récit en essayant de le faire paraître petit et futile par rapport au sens, aux principes de vie et à l’art d’être que tu souhaites explorer et mettre au centre des débats… Nous te brûlerons avec le feu que nous maintenons vivant et veillerons à ce qu'il soit chaque jour plus grand et plus impressionnant. Nous te verrons comme une menace pour notre existence même, puisque tu souhaites déstabiliser nos constructions humaines et l’ordre des priorités que nous avons fixé…

 

Pour aller plus loin visionner notre vidéo : Islam : expansionnisme ou voie de développement spirituel ? 

 

Cela me rappelle également une réunion à laquelle j'ai assisté en tant qu'aumônier dans des établissements correctionnels. Les seules questions que l'on pouvait poser à l’administration étaient de savoir si les détenus religieux avaient besoin de poêles et de casseroles qui ne soient pas « contaminées » par du porc ou de la viande non « halal », et de voir comment nous aurions pu faciliter cela ! Ou encore de parvenir à convaincre les autorités pénitentiaires à permettre aux détenus de posséder des livres religieux à couverture rigide et des grands « tapis de prière » rembourrés ! Croyez-moi, la réunion a duré quatre heures et nous avons eu au moins autant d'opinions que de personnes présentes sur chaque question. La seule question que je voulais discuter ne convenait pas à la nature des débats : je souhaitais débattre de la manière dont nous pouvions permettre à cette expérience pénitentiaire de devenir une véritable opportunité de développement spirituel et personnel… La seule réponse que j’ai obtenue : “Nous sommes là pour garantir que les droits des détenus soient fondés sur les principes de  liberté religieuse, et non pour nous soucier de leur développement spirituel”... 

Voilà ce que j’entends dans le débat religieux, aujourd'hui : Tant que ta cause est la survie de “l'identité religieuse”, tu es le bienvenu. Si ta cause vise à donner vie à l’esprit authentique, tu es mis au ban… 

 

Il est important de préciser ici ce que j'entends par “religion” ou “identité” ou “phénomène religieux”... La définition que l’on trouve du “religieux” de manière générale renvoie à un domaine qui parle de Dieu, des Prophètes, des cieux, du phénomène transcendantal, de notre rapport avec l’invisible, le mystique et le caché. Cependant, ma définition est toute autre. 

Lorsque j’utilise ces termes, je parle de "religion" dans le sens de tout ce qui est attaché à une idéologie. Je parle du “religieux” en tant que dynamique sociale et psychologique, et en tant que façon de réagir et d'interagir avec les questions posées, et non en tant que champ d’intérêt comme précédemment défini. Pour moi, il ne s’agit pas d’une science à part comme le sont par exemple la physique qui nous décrit la physique des choses, la chimie qui évoque la chimie des choses ou la biologie qui tente de nous faire découvrir la vie biologique sur terre… 

La dynamique religieuse s’étend à tout : les anciennes religions comme les nouvelles que sont par exemple la démocratie, le féminisme, l’environnementalisme, ou même l’antiracisme. Toutes ces belles idées sont devenues d’abord idéologies, et par la suite des religions. 

Le religieux est celui qui veut posséder la vérité, celui qui veut “finir” son cheminement, et ce même au prix de l’arrêter carrément. Il veut se cristalliser dans une forme pour pouvoir arrêter. C’est pour cela qu’il s’attache à une forme concrète, et qu’il ne cherche plus l’esprit derrière la dite forme… 

Ainsi, cette difficulté que j’ai rencontrée lors de la réunion en tant qu' aumônier n’était pas avec mes collègues intervenants dans les prisons, mais bien avec le gouvernement canadien qui voit le concept de libertés religieuses comme une “religion” ! Là où j’aurais souhaité initier une démarche d’invitation à vivre une vraie expérience transformatrice, on ne me répondait que du point de vue de cette nouvelle religion qui ne voit qu’à travers le prisme du droit à la liberté religieuse…

 

-> Pour aller plus loin, lire notre article La religion face au développement personnel

 

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