Comment réagir face aux festivités d’halloween en tant que parents ou éducateur musulman ?

bâtir une conscience collective et une culture saine Oct 29, 2022

 

 

Question :  Voici des affiches créées par des frères et sœurs chrétiens pour Halloween qui expliquent qu’ils refusent de participer à cette fête au nom de leurs valeurs chrétiennes. Cela m'a beaucoup interrogée : ne devrions-nous pas faire la même chose en tant que musulmans ? Ne devrions-nous pas, au nom de l'islam, refuser de donner des bonbons aux enfants qui frappent à nos portes ?

 

 

 

 

Il y a plusieurs niveaux de réponse à cette question. Tout d’abord, je tiens à préciser que je refuse toutes ces guerres qui reviennent chaque année lors de ce genre de festivités, qui nous poussent à résumer notre éveil religieux à la réaction ou l’attitude que l’on devrait ou non adopter face à ces célébrations… Mais puisque la question se pose, je viens vous livrer une réflexion qui m 'est propre et dont, j’espère, le plus grand nombre pourra s’inspirer et saisir chaque opportunité qui se présente à nous d’orienter nos enfants vers le Beau, le Vrai, le Grand. 



La résistance au nom de la foi dans notre contexte

 

Un peu d’admiration

Une partie de moi-même a envie de réagir avec admiration à ces affiches et de dire : "C'est ça ! Nous aussi, en tant que musulmans, nous devons faire pareil !". Car oui, cela laisse admiratif de voir les chrétiens être plus solides dans leur posture, plus ancrés et plus militants que beaucoup parmi nous, chose qu’ils ont toujours été. En effet, si la chrétienté a survécu aujourd’hui à trois siècles de militantisme anti-religieux, on ne peut qu’imaginer par quoi elle est passée. Ce n’est pas rien, surtout lorsque l’on constate que, dans beaucoup de pays arabo-musulmans, nous n’avons pas subi le centième de cela, mais que la religion a quand même presque été effacée dans certains endroits et à certains moments… Que Dieu nous protège et nous renforce. 

S’il est une chose à prendre des chrétiens, c'est bien la force de l'esprit, la force de l'âme combattante, l'esprit de croisade (dans le sens positif), l'esprit des combattants au nom de la foi. Le combat au nom de la foi, la résistance au nom de la religion, c'est chrétien à l’origine et on peut beaucoup apprendre et s’inspirer de cela, de tous ces mouvements d'éveil de consciences religieux qui sont dans les petits groupes chrétiens évangéliques ou même catholiques. 

Donc, en effet, il y a une partie en moi qui dit son admiration, et qui aimerait que nous aussi, en tant que musulmans, nous éditions les mêmes affiches, que l’on se positionne de la même façon. 

 

 

Un peu de réalisme

Bien sûr, une petite partie en moi me rappelle que, politiquement parlant, nous ne sommes  pas à la même place. Même si nous sommes plus nombreux qu’eux à ce jour, ils sont toujours dans une situation avantageuse par rapport à nous du fait qu'ils ne viennent pas d’ailleurs d’un point de vue des origines, et qu’ils portent des noms bien locaux, que tout le monde connait et reconnaît. Ils peuvent afficher leurs résistances sans beaucoup de risques, le risque le plus élevé pour eux étant d’être désignés comme des "sectes". 

La même posture ne sera pas reçue et médiatisée de la même façon si elle vient d’eux que si elle vient d’un groupe musulman, c’est évident ! La même affiche chez un musulman peut peut-être lui valoir le passage de la police, et de tout ce qui en découle… A ce jour, nous ne sommes donc pas aussi bien placés que ces chrétiens fervents pour porter la bannière de la Lumière et des forces de lumières en public. 

 

 

Oui, c’est vrai. Mais ce n’est pas la peur qui doit nous diriger. Et ce n’est pas cela, le vrai problème que je décèle dans ces affiches et ce positionnement.  


Retrouvez cet enseignement en podcast ici

 

Ce genre d'affiche s'adresse aux adultes, et non aux enfants

A qui s'adresse ce type de message que l’on lit dans l’affiche ? Lisez avec moi : “Je suis chrétien, je refuse de mettre l’horreur à l’honneur”... Il s'adresse clairement à des adultes. On peut parler ainsi à des professeurs des écoles, à des parents, à des éducateurs qui eux vont comprendre, effectivement, la gravité derrière ces célébrations-là et derrière la forme qu’elles prennent. Car ici, ce n'est pas la célébration en elle-même qui est un problème, c’est la forme de la célébration.

Mais les enfants, que vont-ils comprendre de ce genre de message ? Qu’est-ce que cela va nourrir et éveiller en eux ? 

Essayons de nous mettre à la place de ces enfants qui se présentent déguisés, joyeux et excités à l’idée de recevoir pleins de bonbons, devant une porte où figure une de ces affiches. Que ressentiriez-vous à leur place ? 

 

 

L'enfant ne va pas réfléchir longtemps, il va juste se dire : "Ces gens-là ne veulent pas donner des bonbons" ! Et le raccourci va facilement le mener à la conclusion : “le Dieu des chrétiens est méchant” / “le Dieu des musulmans est méchant”... Est-ce là l’effet escompté que l’on souhaite générer chez ces enfants ? 

Il est donc important de se pencher dans un premier temps sur la forme des festivités d'Halloween, dans laquelle il y a plusieurs choses à distinguer. 



Ce qui plaît aux enfants dans la fête d’Halloween 

 

Les enfants aiment les sensations fortes

Certes, nous ne sommes pas d'accord avec le fait de célébrer et mettre "l'horreur à l'honneur" mais force est de constater que le fait de chercher à vivre des sensations fortes, chercher à se faire peur notamment, fait partie de la nature de l'enfant.

Lorsque vous étiez enfant, ne vous déguisez-vous pas en fantôme ? Et si nous nous replongions dans nos souvenirs d’enfance ensemble… Avant même qu’Halloween ne soit importé, ne mettions-nous pas des masques, ne voulions-nous pas faire peur ? C’est tout à fait naturel ! Les masques, “démoniaques” que ma conscience refuse aujourd'hui, je les dessinais lorsque j’étais enfant, je dessinais même les masques les plus effrayants ! Je voulais les porter, me cacher derrière les portes et surgir d’un coup pour leur faire peur, j’aimais faire peur aux autres et rire de leur réaction, et cela même avant même d’avoir regardé un seul film d’horreur ! 

Je pense que c’est dans la nature propre de l’être humain que de jouer avec les sentiments, de chercher à sentir son battement de cœur s’accélérer à travers l’excitation sentimentale et sensorielle. Par exemple, on voit bien que lorsqu’on jette un petit enfant en l’air, il va avoir un peu peur au début, puis il va aimer ce jeu-là, éclater de rire, s’agiter avec joie. Cela provoque de nombreuses sensations chez  lui, cela l’excite, tout comme le jeu de cache-cache ou le jeu de le surprendre…

 



Les enfants aiment aussi les bonbons !

Vouloir des bonbons, des choses sucrées fait aussi partie de la nature de l’enfant. Il n'y a qu'à voir la réaction des enfants lorsqu'on leur propose des bonbons ! Souvent, lors des festivités, je jette des bonbons aux enfants pour qu'ils les attrapent, et à chaque fois, c'est une vraie fête, une vraie joie qui se ressent et s'exprime. Pourtant, tous ces enfants sont issus de familles "riches", ou en tout cas qui ont un mode de vie occidental et qui ont tous accès à des bonbons chez eux, parfois quotidiennement.

C'est d’ailleurs une chose qui m'a beaucoup surpris lorsque je suis venu m'installer au Canada. Je me disais que je ne pourrai pas faire comme faisait mon grand-père qui avait toujours une poche pleine de bonbons, les distribuant aux enfants qu'il croisait, car les enfants ont ici les bonbons les plus chers chez eux… Cependant ce n’est pas une question de valeur monétaire. Les bonbons sont les bonbons et les enfants y restent sensibles ! Même si ces enfants ont des sacs et des sacs de bonbons chez eux, ils continuent à en vouloir et à se réjouir lorsqu’on leur en propose.

 

 

Ainsi, si l’on regarde ce que l'on fait concrètement durant cette fête d’Halloween, (porte à porte, demander des bonbons, se déguiser), il n'y a rien de mal en soi dans cette forme-là, et combattre cela est ridicule ! 



Mes souvenirs d’enfant

Cela me rappelle la façon dont nous célébrions Achoura lorsque j'étais enfant, en Tunisie, ou encore une autre fête au début du mois de Mars durant laquelle nous circulions dans les rues pour demander la pluie en chantant. Nous frappions aux portes et nous demandions des bonbons. La coutume voulait que ce soit les enfants qui se chargent de la prière de demande de pluie, et des miracles se produisaient ! Nous promenions une poupée avec des draps blancs que nous devions présenter à la porte des gens pour qu’ils lui versent un verre d’eau dessus. Notre poupée qui devait revenir trempée de cette excursion. Je me rappelle d’un jour où il y a eu des éclairs et une pluie abondante à la fin d’une telle journée, et j’ai senti au que Dieu était Content. 

C’était seulement un jeu d’enfants, qu’y a-t-il de mal à cela ? Les enfants sont ainsi par nature, et on voit que ce côté enfantin et innocent a été, de manière très intelligente je dois dire, utilisé pour Halloween. Finalement, c’est cela que les enfants recherchent dans cette fête : le porte-à-porte pour ramasser des bonbons, la joie de sillonner les rues entre copains etc. et non pas les déguisements d’horreur. Ainsi c’est là ce que je propose : enlevons toutes ces images d’horreur et créons pour nos enfants une fête déguisée qui mettrait le beau et le sain à l’honneur !

 


 

 

Pour aller plus loin sur l'importance de la culture saine, lire notre article L'importance de la culture humaine dans la préservation du mode de vie prophétique.

 

 

A nous de nourrir nos enfants 

Imaginez ce que serait la vie de nos enfants si on les exposait à des choses belles et merveilleuses telles que :

 

  • une chorale, 
  • une marche des lanternes comme nous l’avons organisé à Ottawa (lien), 
  • une cérémonie de célébration de la naissance de notre Prophète bien-aimé (ce que l’on appelle Mawlid, que Dieu continue de nourrir son être, sa lumière, la force de son âme, son héritage spirituel ainsi que notre connexion à lui), 
  • une belle fête lumineuse et joyeuse où ils recevraient des bonbons...

 

 

Que serait Halloween pour eux si nous les entourions de festivités alternatives saines ?

Celui qui découvre la vraie joie quelque part, il n’ira pas la chercher ailleurs ! C’est celui qui est privé, qui cherche désespérément un sentiment de joie qu’il ne trouve pas dans son quotidien qui ira la chercher à l’extérieur… De la même façon, celui qui découvre la joie dans la Présence de Dieu (Hadhra), que cherchera-il ailleurs ? 

L’enfant qui découvre la joie dans nos festivités à nous, a la possibilité d’en être pleinement satisfait et rassasié. Et même s’il  va voir ailleurs ce qui se fait, il n’y trouvera pas la même chose, et restera attaché aux festivités qui auront bercé son enfance.  

 

 

 

Résister au mal au nom de l’identité ? 

Ainsi, ces affiches viennent soulever de vraies questions. Est-ce que la résistance au mal doit se faire au nom de l’identité ? Que va retenir mon enfant de cela ? Est-ce qu’il va comprendre que notre identité n’est pas compatible avec la joie, et que nous devons donc faire un choix entre identité et joie ?

Personnellement, le rebelle que je suis et que j’étais lorsque j’étais jeune, n'aurait pas hésité : j’aurais cédé mon identité au profit de ma joie ! Pourquoi rester dans une identité qui me rend malheureux ? Non, je suis le fils de la joie là où je la trouve ! Grâce à Dieu, j’ai pu la trouver en dehors de mon identité, je l’ai trouvée en Lui, la voie de l'islam qui est, dans son essence et sa réalité, la voie de l’harmonie parfaite avec la lumière complète, et non pas dans “l'islam” tel qu'il est présenté de nos jours : comme une construction mentale et idéologique.

 



Le discours identitaire ne convient pas aux enfants

Jamais je ne dirai à mes enfants : “Nous ne célébrons pas Halloween parce que nous sommes musulmans”, et ce n’est pas parce que j’ai peur des représailles des autorités, mais tout simplement parce que je ne suis pas convaincu que la résistance au mal ne puisse se faire au nom de l'identité seule. Le discours identitaire est très important certes, et il a sa place, mais pas pour les enfants. 

Est-ce que le fait de nourrir le sentiment identitaire chez un enfant va faire de lui un bon serviteur de la Lumière lorsqu’il grandira ? Est-ce que l’esprit combatif identitaire, l’esprit résistant peut être construit au nom de l’identité ?

 

Peinture trouvée sur un site d'éducation Waldorf

 

Cela est certes très facile et tentant, car le résultat est très rapidement visible, mais pas pour tous, et pas pour toujours... En effet, j’ai malheureusement déjà vu des enfants de 10 ans proclamer “Non moi je ne fais pas ça, car je suis musulman !”, ce qui ne les a pas empêchés de tomber dans les plus grands péchés et même dans le refus de Dieu quelques années plus tard... Que Dieu nous protège. 

Dans un autre sens, lorsque l’on voit la facilité avec laquelle l’esprit résistant naît chez certains enfants au nom de l’identité, c’est absolument effrayant et cela risque d’ailleurs de les faire tomber dans l'extrémisme religieux plutôt que dans l’Amour du Divin...

Il y a quelque chose en nous qui veut croire au miracle, et croire que cette posture est la victoire de l’innocence de l’enfant. Cependant, je suis navré de vous dire que, dans ce combat là, c’est plutôt la victoire du lavage de cerveau qu’autre chose ! En effet, ce n’est pas l’innocence de l’enfant qui dit “je ne fête pas Halloween car je suis musulman”, c’est de l’endoctrinement plutôt qu’autre chose. Certes, l’endoctrinement est assez tentant, car il semble produire des fruits rapides et faciles… Qu’est ce que l’endoctrinement ? C’est bâtir l’esprit résistant au nom d’un discours identitaire, se proclamer d’une certaine manière et rejeter les autres de part leur identité différente. 

 

 

Des alternatives saines pour planter la graine d’amour de Dieu dans le cœur de nos enfants

Il est toujours mieux de ne pas choisir la solution la plus facile ou simpliste, car de toute façon, ce n’est pas une solution qui marchera avec tous les enfants. Peut-être qu’elle marchera avec un ou deux, mais pas avec tous, comme nous l’avons vu précédemment. Je pense qu’il y a des alternatives plus saines pour convaincre mon enfant d’adopter certaines pratiques comme ne pas boire du vin ou manger du porc, ou encore de ne pas célébrer la fête des monstres et fantômes en se déguisant en figure laide.

A l’arrivée, ce n’est pas une vraie graine de l’amour de Dieu qui pousse dans le cœur de ces enfants, et qui aurait le potentiel de devenir un arbre fort et bien enraciné avec les années. Il s’agit plutôt de la construction d’une image figée dans le temps qui ne donnera que des mauvaises herbes…

Ainsi, pour répondre à la question, je dirais qu'il y a d'autres solutions que de répondre de manière abrupte et “identitaire” à ce genre de festivités qui nous entourent. Il est temps pour nous de nous montrer créatifs et de proposer des d’alternatives saines en termes de festivités et de formes d’amusement, qui participeront au développement mental sain de nos enfants.

 

Citrouille de Mawlid !

 

Par exemple, et si nos enfants participaient à ces festivités mais que, plutôt que de porter des masques “démoniaques” de mauvaise qualité qu’on achète au magasin et qui manquent d’inspiration et d’imagination, nous fabriquions avec eux des masques artistiques qui inspirent la beauté et la joie ? Et si on les déguisait en arbre, en pommier, en bananier, en ours, en loup, en chat, en arc-en-ciel, en soleil, en lune, en une personne de leur entourage qu’ils aiment et respectent comme un grand-père, un vieil homme avec une barbe blanche etc. ... 

Ou encore, et si on leur organisait une fête déguisée, puisqu'ils aiment tous se déguiser ? En mettant en avant des déguisements beaux, sains, qui leur plaisent ? Pourquoi ne pas les déguiser en E.T avec un beau déguisement en forme de cœur inversé pointant vers le Ciel avec un beau message écrit dessus ? 

 

 

Les alternatives peuvent être extrêmement nombreuses, à nous de nous montrer créatifs pour nos enfants !

 

 

 

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