Méditation sur la fonction et le sens profond de la pratique spirituelle des “salawat” ou prières pour l’âme du Prophète

cheminement prophète mohammed spiritualité Sep 24, 2024
du croissant à la pleine lune

J’aimerais prendre un moment dans ce présent article pour méditer sur la fonction ainsi que sur le sens des “salawat”, que l’on traduit par les “prières pour l’âme du Prophète”, ou “exercices de développement de connexion au Prophète”, que la force et la lumière de son âme soient continuellement nourries. 

Beaucoup considèrent les salawat comme une simple coutume sociale ou ne les prononcent que par réflexe culturel ou encore par conformisme religieux… Car pour beaucoup d’entre nous, il nous a été inculqué depuis le plus jeune âge qu’à chaque fois que le nom du Prophète est mentionné, il est bien, ou même “obligatoire”, de prononcer les salawat... Cette salutation est malheureusement devenue un code la plupart du temps, que ce soit à l’oral, mais aussi à l’écrit aujourd'hui où l’on voit très souvent écrites les lettres “SAWS”, comme acronyme pour “SallAllahou Aleyhi Wa Sallem”, dès que le nom du Prophète est mentionné… A mon avis, mettre un ou une me semble beaucoup plus efficace pour communiquer l’élan de notre cœur envers le Messager et traduire le sens des salawat qu’un code sec et sans poésie…

Tout cela alors qu’en réalité, cet exercice est tellement plus grand, tellement plus profond… Mais encore faut-il comprendre que c'est un exercice et l’approcher en tant que tel… Un exercice dans le sens que l’on vient, à travers lui, développer des choses en nous, travailler sur nous… Avec cette intention, on peut en faire un réel exercice de méditation, de développement d’amour et d’alliance avec l’âme du Prophète, et un véritable outil dans notre cheminement spirituel. 



Les salawat ou salat ‘ala Nabi : alliance entre les âmes amies 

A l’origine, la Salat ‘ala Nabi est une prière que les amis du Prophète avaient l'habitude de formuler à chaque fois qu'ils s’adressaient à lui par amour, empathie et reconnaissance de sa lourde mission, disant “as-salat wa salam alayka ya RasoulAllah”... “As-salat” voulant dire “connexion”, “alliance”, “amour”, “amitié”, et “as-salam” voulant dire “paix”, ce que j’entends ces âmes amies vouloir exprimer à travers cette salutation à leur ami le Prophète est : “Ô Messager de La Vérité, que la Puissance Divine continue de nourrir ta force, et que la Source de toute harmonie continue d'apaiser ton cœur”... 

Cette prière n’était pas formulée par simple politesse, mais par réelle reconnaissance… Reconnaissance de ce que le Prophète leur apportait en termes de cadeaux et d’opportunités, mais aussi reconnaissance du lourd fardeau qu'il portait, et du fait que porter un tel fardeau demande une telle force ! Car oui, une responsabilité aussi lourde ne peut que devenir une source de pression et de stress… L’Intelligence Divine et la Voix de la Conscience Universelle nous invitent à méditer sur ce sujet à plusieurs reprises notamment dans le verset suivant: “Si cette mission avait été donnée à une montagne, la montagne se serait écroulée sous son poids” (Qor’an 59:21 - Traduction méditative)... 

Nul doute donc que c'est donc un lourd fardeau que le Prophète devait porter… Or, ses amis étaient les amis de son message avant toute chose, parce que c'est cela l'amitié… L'amitié est, par définition, un entrelacement d'âmes, et on sait que l’âme du Prophète avait entièrement fusionné avec sa mission, avec le message de l’Esprit Guide dont il était le porteur, l’incarnation… Ses amis n'étaient donc pas de simples amis de son image, c’est-à-dire que leur relation avec lui n'était pas juste un attachement sentimental à sa présence physique… Pas comme ce que l’on voit aujourd’hui dans nos relations, où, pour la majorité, lorsque l’on aime quelqu'un, on s'attache sentimentalement à lui au risque de devenir une lourdeur dans sa vie plus qu’autre chose… Leur amitié et leur amour à eux était plus forts que l'attachement. Leur amour se traduisait à travers une connexion, et il y a une différence entre l'attachement et la connexion… 

Ainsi, lorsque leurs âmes se sont connectées à l'âme de leur ami Mohammed, ils ont senti la lourdeur de sa mission, ce qui a fait naître cette expression de salawat de façon naturelle. Elle a aussi été affirmée par le Qor’an dans le verset 56 de la sourate 33 qui dit, selon une traduction méditative que je vous propose aujourd'hui : “La Force et l’Amour Divins qui animent toute chose ainsi que La Grâce Angélique viennent soutenir et appuyer la force Prophétique dans sa mission comme des forces alliées. Ô âmes amies choisissez donc d’intégrer cette alliance en pleine conscience et en toute harmonie !” (Qor’an S.33 - V.56 - Traduction méditative). 

Voilà ce que sont les Salawat ou salat ‘ala Nabi” : une alliance entre notre âme et l'âme du Prophète… Cependant, il existe une dimension encore plus profonde et intérieure de cet exercice que nous allons voir ensemble.  

 

La dimension intérieure des salawat : une lettre d’amour de soi à Soi

 

Le Prophète n’est pas extérieur à nous

Le verset 7 de la sourate 49 de la Parole Sacrée nous dit : "Wa a’lamou anna fikoum RasoulAllah", ce que beaucoup traduisent par “Et sachez que parmi vous se trouve le Messager de Dieu”... La majorité des livres d'exégèse y voient un simple rappel à l’ordre dirigé vers les Arabes de Médine du fait que vivait parmi eux un Porteur du Message Divin, et qu’ils étaient donc invités à agir et inter-réagir en conséquence… 

Mais pour les Soufis, ce verset revêt un sens beaucoup plus profond… Eux le traduisent de cette façon : “Sachez qu’en vous se trouve le Messager du Tout-et-Un”... Dans cette compréhension, ils voient un rappel que leur essence, et même l’essence de tout être humain, le secret intérieur dont nous sommes tous porteurs, l’âme de notre âme, n’est autre que la lumière prophétique elle-même… 

Cette lecture ouvre la voie vers un tout autre niveau d’expérience de la salat ‘ala Nabi… Car cela signifie qu’en disant "as-salatou wa salamou alayka, ya Sayyidi ya Rasulallah”, on n'est plus en train d'essayer d’interpeller un personnage historique à l'extérieur de soi… C'est en réalité un niveau de conscience en soi-même qui est en train d'aspirer à un niveau de conscience encore plus élevé toujours en soi-même… Ou encore, on peut voir cela comme  une lumière d’éveil en soi qui est en train d'interpeller et d’appeler une lumière de réalisation encore plus grande en soi-même… Un soi appelant son Soi.


Découvrez cet enseignement et la méditation guidée qui l'a accompagné en version audio : 

 

Un cheminement vers la première lueur de notre existence

Ce qui veut dire qu’en s’engageant dans les demandes de connexion au Prophète, c’est soi-même que l’on est en train d'appeler ! Mais qui est ce “soi-même” ? Là est la question… 

Ce “soi” que l’on est en train d’appeler, c’est notre plein potentiel… Ce que j’appelle notre pleine lune. Pour utiliser une image, c'est le croissant en nous qui est appelle la pleine lune vers laquelle il est en train de progresser... D’ailleurs, un exercice de méditation que j’encourage consiste à fermer les yeux et imaginer notre âme ou notre lumière intérieure comme un croissant qui aspire à devenir pleine lune en récitant "as-salatou wa salamou aleyka, ya sayyidi ya Rasulallah, as-salatou wa salamou aleyka, ya sayyidi ya HabibAllah"… 

Voilà la dimension intérieure de la salat ‘ala Nabi”… Car finalement, qu'est-ce que le cheminement spirituel ? Il s’agit tout simplement de l'âme humaine qui désire revenir au premier souvenir du Souffle Originel Divin, le Souffle Pur, le Souffle le “plus ancien”, non corrompu, pré-incarnation... Dans cette voie de réalisation de sa nature originelle, il y a des âmes ou des consciences qui sont allées “loin” dans le souvenir, et on peut dire que l’âme prophétique est celle qui est allée le plus “loin”… 

Bien sûr, comme à chaque fois que l’on utilise les notions de temps et d'espace en parlant de cheminement spirituel, il s’agit d’une image, car dans le Monde de l’Absolu, il n'y a ni temps ni espace. Il ne s’agit pas d’un chemin physique, mais d’un chemin dans le monde de la conscience… On peut donc dire que l’intelligence prophétique est l'intelligence la plus proche de l’Absolu ou de la Vérité Ultime, ou encore celle qui a atteint le niveau de conscience le plus élevé qui soit. L’âme du Prophète vue ainsi serait la Porte qui mène au Monde des Réalités…

 

Voile ultime et lumière originelle

Un Grand Ami de Dieu, Sidi Abdessalam ibn Machich appelait le Prophète “al-hijab al-’adham”, ce qui signifie “le voile ultime”. Dans la Salat al-Machichiya, sidi Abdessalam ibn Machich dit : "Fais de ce voile ultime la vie de mon âme jusqu'à ce que même mes sens découlent de cette source-là"...

 

-> Pour comprendre la notion de “voile ultime”, consulter notre article Mohammed, le voile ultime

 

Ce vers signifie : “Dissous tout mon être dans la lumière de Mohammed, la lumière de l’Esprit guide… Dissous mon regard dans son regard, dissous ma conscience dans sa conscience, dissous mon être dans son être, dissous mon âme dans son âme, jusqu'à ce que même mes sens, ma vision, mon ouïe, mon toucher, etc. découlent de cette source-là : jusqu'à ce que je commence à voir, à toucher, à entendre à travers cette réalité prophétique”...

Cette “réalité prophétique” est en fin de compte la réalité originelle de tout être humain, ce que l’on appelle "an nour al-awwal", “la lumière première”, ou encore “al-’aql al-awwal", “la première intelligence”. Là où les historiens et les religieux se concentrent sur la dimension historique du Prophète, les soufis et les spirituels, eux célèbrent le Prophète spirituel, la dimension ésotérique ou intérieure du Prophète : la “lumière originelle”, notre première lumière… 

-> Vous trouverez une longue analyse de la salat Machichiya dans ma formation en ligne L'art de parler à Dieu

 

 

La Table servie

Il existe également une dimension de conscience supérieure à laquelle nous devons aspirer à travers l’exercice des salawat. Une dimension qui est là, maintenant disponible dans le monde des possibilités après le passage prophétique dans le monde des consciences. Bien sûr, cela ne veut pas dire que l’on va devenir prophète ou que l’on va recevoir un Qor’an, non… Mais il faut comprendre qu’après la Révélation, un banquet a été servi, une “table servie venant des cieux” (cf. Qor’an S.5 - V.114 que nous allons étudier ci-après), une table qui n'était jusqu’alors accessible que pour les “notables”… 

Cette table a été “descendue”, c’est-à-dire qu’elle a été rendue accessible, à l’image d’un logiciel ou d’une application que l’on aurait téléchargé sur notre appareil et qui nous permettrait d’accéder à un monde jusque-là inconnu. J’aime tant cette phrase que mon premier enseignant répétait souvent : “Lorsque le Prophète entre par une porte, il ne la referme jamais derrière lui, s’il boit d’une coupe, il la laisse remplie à rabord pour celui qui viendra après lui, et s'il mange à une table, il la laisse toujours servie en partant, bien garnie et prête pour ceux qui viendront en suivant”... Cela signifie que ce que le Prophète a pu expérimenter et vivre que ce soit en termes d’états spirituels ou de sagesse qu’il a pu réaliser dans le monde de la conscience, il l’a laissé accessible pour nous… 

Cette “table servie” est évoquée dans la sourate “al-Ma'ida” (S.5 - V.114) où le Prophète Issa, que la Lumière et la Paix Divines continuent de nourrir son être, demande : “Notre Seigneur Développeur de nos âmes et de nos consciences, fais descendre pour nous une table venue des cieux qui soit pour nous un “aïd”, pour les premiers comme pour les derniers…”

Une prière que je vous invite à méditer avec moi… Demander “une table venant des cieux”, mais de quelle genre de table peut-il s'agir ? Est-ce une demande de manger des raisins, ou d’autres fruits ou mets que l’on peut déjà trouver sur terre ? Il est facile de comprendre que c’est plus que cela… Ce qu’il demande, c’est une table de conscience, un horizon, ou encore un champ de développement de conscience… Il demande une table qui sera accessible “aux premiers, comme aux derniers”, c’est-à-dire une table qui continuera d’être servie jusqu’à la fin des temps, ou encore une table à laquelle le premier comme le dernier de la classe pourront goûter… Je l’entends dire dans cette prière : “Rends le cheminement spirituel et les niveaux supérieurs de conscience plus accessibles pour les habitants de la terre ! Donne-leur des champs de développement de conscience qui leur sont accessibles dans leur quotidien, ouvre-leur des horizons plus élevés et plus larges dans les cieux de la conscience…” 

Et c'est exactement cela que permet la religion, ou du moins c’est ce qu’elle était censée permettre, et non pas ce qu'elle est devenue dans les faits… La fonction originelle des rituels religieux et des pratiques spirituelles en général est de rendre le cheminement spirituel accessible pour les plus avancés comme pour ceux dont les capacités sont plus limitées, en proposant des outils qui permettent à tout le monde d’accéder à l’expérience. Par exemple, on sait bien que tout le monde n’est pas en capacité d’aller faire des retraites spirituelles de quatre mois dans une grotte, et bien la religion propose, entre autres, une prière de 10 minutes faite en conscience et en synchronisation avec le lever du soleil chaque matin, qui permet d’avoir accès au fruit de la retraite spirituelle…  

Le verset nous montre aussi qu’il nous faut célébrer cette “ma’ida”, cette table servie, car le Prophète Issa demande que cette table soit “un aïd pour nous”... Chose que l’on peut lire et comprendre de différentes façons. 

Le terme “aïd” est souvent traduit par “fête” ou “célébration”, mais en réalité, cela signifie “rendez-vous”, au sens de quelque chose qui vient et revient encore à nouveau. Il demande donc une expérience spirituelle tangible et palpable (ou, pour utiliser un terme que les chrétiens aiment utiliser, une théophanie ou une épiphanie) qui va venir, revenir et continuer de revenir jusqu'à la fin des temps, et qui sera accessible à la fois pour le premier de la classe, comme pour le dernier… 

Ce que nous célébrons dans un “aïd”, c’est donc le "retour" ou le "renouveau", le fait que la Grâce de Dieu n’est pas interrompue, qu’elle ne cesse de revenir encore et toujours… Voilà l'esprit de la célébration de l'Aïd, le fait de se réjouir du fait que les Habitudes de Dieu envers nous ne s’interrompent jamais…

Chercher à se connecter au Prophète à travers la “salat ‘ala Nabi” peut nous permettre d’accéder à certains des états spirituels qu’il a lui-même expérimentés, et qu’il a donc laissés accessibles pour nous, jusqu’à la fin des temps…



Puissions-nous libérer le pouvoir de la salat ‘ala an-nabi, et emprunter ce chemin qui a le potentiel de faire de nous des alliés de son message, de nous faire revenir à notre lumière originelle et évoluer vers de plus hauts niveaux de conscience…

 

Si cet article vous a aidé ou inspiré, pensez à partager avec moi vos méditations, réflexions et retours en commentaires 🌱🤲


-> Pour aller plus loin sur le sens de la salat 'ala Nabi, lire notre article Quel est le sens de la salat 'ala Nabi ? 

 


Article tiré d'une méditation donnée lors d'une célébration de la naissance du Prophète Mohammed au centre Kayani à Tunis le 13 semptembre 2024

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