Aylan aime Allah, Allah aime Aylan - Partie 1/2

Il y a quelques jours, je suis entré à La Rhoda, notre centre spirituel d’Ottawa, après une séance du programme “Grandir en Amour” à laquelle je n’avais pas pu assister. Mon attention a été immédiatement attirée par un message écrit par l’un des enfants sur le tableau blanc… Mes yeux se sont remplis de larmes et un profond sentiment de gratitude a rempli mon cœur. Le message disait : « Aylan aime Allah, Allah aime Aylan. » En d’autres termes : « Dieu, le “Tout-et-Un” aime Aylan, Aylan aime Dieu. » Quel message profond et pourtant simple… Un message qui transperce votre cœur et vous frappe par sa profondeur et sa simplicité…

De quoi d’autre avons-nous vraiment besoin pour grandir en amour ? Et de quelle autre manière pouvons-nous grandir en amour ? Comment pouvons-nous aimer si nous ne savons pas que nous sommes aimés en tout premier lieu ?

Cet enfant a écrit cette phrase tout seul. Personne ne lui a dicté ce message, ni n’a prononcé explicitement ces mots devant lui. Il s’agit pourtant d’un enseignement fondamental du Qor’an, dans le verset 54 de la sourate al-Maida, souvent traduit par : “Dieu fera venir des gens qu’Il aime et qui L’aiment”... Pour une traduction plus complète et une compréhension plus profonde, je le traduirais plutôt de cette façon : "La Présence Divine attire vers elle des gens qui sont conscients de la Réalité de l’Amour Divin, des gens qui réalisent que Dieu les aime".  

Nous entendons souvent parler de la « Proximité » d’Allah, et du fait qu’il faut la gagner et nous oublions que « Proximité » est une perception, une prise de conscience… Tu deviens proche lorsque tu réalises que tu es déjà proche… Tu te sens aimé lorsque tu réalises que tu es déjà aimé… Tu le réaliseras lorsque tu le réaliseras… C'est-à-dire que tu pourras goûter et savourer l'expérience de quelque chose une fois que tu prendras conscience de cette chose, qui est déjà là, mais que ton manque de perception t'empêche de vivre… 

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Cet enfant est un brillant exemple de cette réalisation … Ce n’est pas la lecture d’un tafsir du Qor’an ni autre “leçon” qui lui a fait écrire ces mots…. S’il les a écrits, c’est parce qu’il a réalisé cette Vérité en lui-même, et par lui-même, nourri par l’espace sécure qu’offre le programme “Grandir en amour”… Ce rendez-vous hebdomadaire où les enfants et les parents s’assoient ensemble et chantent en harmonie des chansons comme “Allah, je t’aime”, avec des paroles qui disent “Je vois Ta Beauté partout, je veux Te rencontrer dans ma prière. Allah je T’aime, je T’aime Allah”. Ainsi que des chansons comme “Je suis un Enfant de Dieu”, où les amoureux sont appelés à plonger en profondeur dans la Source de l’amour… Avec des paroles qui nous appellent doucement à nous souvenir… “Je suis un enfant de Dieu, un enfant bien-aimé de Dieu. Un enfant de Celui qui se souvient de nous tous”. La profession d’amour d’Aylan est directement née de l’influence de ces deux chansons…

Je suis fier et profondément honoré de pouvoir dire qu’il n’y a aucun autre endroit dont j’ai été témoin où les adultes comme les enfants aient pu recevoir la possibilité et l’espace pour entretenir une relation authentique, saine et sincère avec Dieu qui soit enracinée dans l’amour. 

Dans les environnements islamiques « classiques » ou « traditionnels », vous n'entendrez même pas parler d’amour du tout… L’amour n’est pas du tout un sujet, tout est question de peur. Ce qui est mis en avant, c’est la crainte d’Allah, le Maître qui donne et pardonne par « grâce », ce qui est compris dans ce cadre-là par « faveur ». 

Dans les espaces soufis classiques, on entend parler d’amour certes, et l’amour est le sujet central, mais seulement d’un côté. Les enseignements portent sur comment aimer Allah et son Messager plus que l’on aime ses biens, sa famille et même soi-même… Mais durant la vingtaine d’années que j’ai passées dans la voie du Tasawwuf (soufisme), principalement auprès des cercles soufis orthodoxes et traditionalistes de l’islam, jamais je n’ai entendu dire « Allah nous aime inconditionnellement ». Pas un seul enseignant n’a fait de la fondation de la « confiance que Dieu nous aime » une priorité…

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C’est une prise de conscience qui m’est venue dans un moment de faiblesse, de vulnérabilité et de résistance au péché, alors que je craignais que le péché ne me fasse tomber de la Grâce et ne me fasse perdre l’Amour de Dieu. Je me souviens de ce moment où je priais juste après avoir pris conscience de ma vulnérabilité et du fait qu’il était tout à fait possible que je retombe dans le péché après de nombreuses années de sobriété… J’ai prié et pleuré : « S’il te plaît, ne me laisse pas tomber… S’il te plaît, serre-moi fort et ne me laisse pas tomber !! ». Et, là, au milieu de mes sanglots, de mes prières, de ma peur et de ma haine pour ma condition humaine, une image m’est venue… Je me suis revu petit garçon, assis sur une haute branche d’un arbre, effrayé de tomber et me tenant de toutes mes forces à la branche, n’osant pas me déplacer vers l’échelle pour descendre de l’arbre… Je me suis souvenu de la voix de mon père qui m’a dit, à ce moment-là : “Laisse-toi tomber… Laisse-toi tomber… Je te rattraperai dans mes bras”. Il me répétait cela encore et encore, me réconfortant et me rassurant en me disant : “Je suis là et je suis assez fort pour te rattraper, laisse-toi simplement tomber dans mes bras… Tombe dans mes bras !”

Ce moment où mon état de vulnérabilité se mélangeait à cette vision a été si profond et si puissant pour moi, que je me suis réveillé avec la réalisation que : “Si je tombe, je tomberai dans les Bras de Dieu. Ainsi soit-il, si c’est là ce qui doit être…”. Pour la première fois, je me suis senti tellement aimé de Dieu… Pas aimé d’un amour compensatoire, ou d’un amour de récompense… Ce n’était pas un amour que l’on doit gagner, pour lequel vous devez travailler dur ou que l’on doit mériter… C'était un Amour Inconditionnel…

Le sentiment d’être inconditionnellement aimé de Dieu a rempli tout mon cœur, jusqu’à ce que je sente que rien ne pouvait me retirer cet amour, pas même le pire des péchés. La voix qui m’a dit “Tombe dans mes bras” ne provenait pas du sentiment d’avoir un droit sur Dieu ou de le prendre pour acquis, mais de la confiance. À partir de ce moment-là, j’ai profondément fait confiance à Dieu, sachant que peu importe ce que je fais ou ne fais pas, Allah, le Tout-et Un, me rattrapera dans Ses Bras, et continuera à m’aimer inconditionnellement…

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Après cette profonde épiphanie, j’ai eu honte quand j’ai finalement compris que lorsque je suppliais Dieu de ne pas me laisser tomber, ce n’était pas par amour de Dieu, mais plutôt par envie de Proximité…. Pourtant, Dieu n’est-Il pas plus Proche de nous que ne l’est notre “moi” le plus proche ? Comment peut-on s’arrêter au voile de la Proximité, alors que l’on pourrait le laisser derrière soi, et chercher à s’unir à Dieu ? Chercher à se dissoudre complètement en Dieu ? Ce qui demanderait avant tout d'abandonner tous nos attachements aux attentes, aux privilèges, aux désirs et aux envies liés à notre moi séparé, qui peut-être mieux décrit comme « le moi vivant dans la séparation »… Et qui demanderait, aussi, d’abandonner les notions, les idées, les étiquettes et les images que l’on se fait de la « sainteté », de la « proximité », de la « pureté » ou même de la « droiture »…

Aylan aime Allah et Allah aime Aylan… Une véritable « salat », puisque le sens littéral de “salat” est “connexion”. Et en effet, quelle prière vraie et profonde… 

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