
Aylan aime Allah et Allah aime Aylan ! (Retrouvez la première partie de cet article ici)... Cette prière spontanée, naturelle et belle me rappelle une histoire que ma grand-mère me racontait lorsque j'étais enfant, l'histoire de la sainte Lalla Mimouna, d'où est tiré le proverbe populaire « Mimouna connaît son Seigneur et son Seigneur connaît Mimouna ». Ce conte nous raconte la vie d'une femme sainte nommée « Lalla Mimouna », ou « Lalla Mamouna » comme le prononcent les Amazighs. Elle est devenue célèbre pour sa sainteté, sa droiture, ses actes de bonté et sa conduite exemplaire. Assidue dans ses prières, elle se consacrait à sa pratique spirituelle et au service de Dieu nuit et jour.
L'histoire de Lalla Mimouna
Lalla Mamouna ne savait pas prier en arabe, elle ne parlait que sa langue maternelle, l’amazigh, mais elle priait avec un cœur empli de bonté et d’amour pour tous, sans discrimination. Au cours de ses prières, elle répétait toujours la même phrase, avec dévouement, présence et humilité : « Mamuna connaît son Seigneur et son Seigneur connaît Mamuna », ce qui donne, en amazigh : « Mamuna t’sen Rabi, Rabi y’sen Mamuna ».
Chaque fois qu’une sécheresse frappait le village, Lalla Mimouna se tournait vers son Seigneur et priait avec une profonde dévotion, répétant inlassablement sa phrase : « Mamuna t’sen Rabi, Rabi y’sen Mamuna ». Aussitôt, l'on voyait s’amonceler des nuages chargés de pluie, et tomber l’averse… Les agriculteurs étaient heureux et les récoltes se fructifiaient…
Si quelqu’un du village tombait malade ou rencontrait des difficultés, il allait la voir pour chercher du réconfort. Elle se retirait alors pour prier avec sa phrase habituelle et le lendemain, le malade guérissait et l’affligé voyait sa situation s'arranger… Les femmes esseulées par la longue absence de leurs maris partis pour chercher du travail en raison de terres arides et de difficultés économiques lui confiaient leur angoisse. Elle récitait sa prière habituelle, et bientôt, le mari revenait, mettant fin à la séparation…
Un soir, un étranger arriva au village. Accueilli par les habitants, ils lui parlèrent des bénédictions et de la dévotion de Lalla Mimouna. L’homme, qui était un érudit en religion et dans l’art des convenances, exprima son désir de la rencontrer. Lorsqu’il entra chez elle, il la trouva en train de prier les mains levées, répétant sa phrase : « Mamuna t’sen Rabi, Rabi y’sen Mamuna ». Surpris par sa manière de prier, il lui dit que ses prières étaient incorrectes et qu'elles ne seraient par conséquent pas acceptées par Dieu. Il commença alors à lui apprendre les paroles arabes appropriées de la prière rituelle, qu’elle mémorisa.
L’érudit quitta le village et lorsque vint l’heure de la prière, Lalla Mimouna essaya de réciter ce que l’homme lui avait appris… Mais elle avait oublié les paroles… Elle ne parvint pas non plus à se rappeler sa phrase à elle, ce qui la laissa découragée. Frustrée, elle pria : « Ô Seigneur, de même qu’il a perturbé ma prière, que son chemin soit perturbé ! »
Lorsque l’érudit traversa la forêt, il se rendit compte qu’il était perdu, qu’il ne faisait que tourner en rond. Il réalisa que cela venait de la prière de Mimouna qui s’était réalisée, et il retourna au village pour lui demander pardon. Lalla Mimouna, toujours bouleversée, lui dit : « Tu as perturbé ma prière, donc ton chemin a été perturbé ! »… Finalement, avec l’aide de l’érudit, elle réussit à se rappeler sa phrase d’origine, et reprit joyeusement sa prière : « Mamuna t’sen Rabi, Rabi y’sen Mamuna. »
Pour aller plus loin, écouter notre podcast "L'islam, une invention ?" (partie 2)
Les enseignements que l'on peut tirer de cette histoire
L’histoire de Lalla Mimouna nous enseigne que la sincérité du cœur transcende les mots. Elle nous rappelle que le chemin vers Dieu est simple et exempt de complexité inutile. Elle nous démontre aussi que la foi pratiquée par nos ancêtres était authentique, universelle et simple… Une foi de paix, d’amour et d’authenticité qui pousse naturellement comme des graines dans un sol fertile. Le cœur est un terrain fertile, les graines de foi sont là, attendant d’être nourries d’amour, pour germer et grandir.
Lalla Mimouna, la sainte illettrée, a pu survivre à toutes les difficultés, traverser toutes les épreuves, avec une seule affirmation : « Mamuna connaît son Seigneur, et son Seigneur connaît Mamuna. » Lorsque mon père plaisantait avec ma grand-mère en lui faisant remarquer que sa façon de prier ou d’accomplir tel ou tel rituel n’était pas « correcte » selon les livres (comme je vous l’ai raconté dans la première partie de cet article), ma grand-mère lui répondait : « Je n’ai pas besoin de livres ! Mimouna connaît son Seigneur et son Seigneur connaît Mimouna. »
Nous avons là le véritable fondement d’une relation avec Dieu, et ce fondement est suffisant. L’amour n’est-il pas le fondement de toute relation ? Que sont les relations sans amour ?
Oui, Aylan aime Allah et Allah aime Aylan. Quelle joie que de voir cet enfant et tous ces enfants du programme Grandir en Amour bâtir ces fondations... Je suis heureux que ces fondations d’amour soient bâties en eux à cet âge, ces fondations qui sont la plupart du temps tragiquement absentes dans le cœur des musulmans pratiquants du monde entier. Et même dans les cœurs où on les trouve établies, on observe le plus souvent que ce sont des fondations en souffrance, faibles et instables.
➡ Pour aller plus loin, lire notre article Le discours universel peut-il passer pour laxiste ?
Ce que je pense (et si vous m’avez suivi jusqu’ici, peut-être est-ce parce que vous partagez cet avis avec moi), c'est qu'il nous faut rendre ce fondement de l’amour plus solide. Or, pour réussir sur ce chemin, la voie est claire : il faut devenir un enfant et grandir en amour. Comme l’a dit Jésus : « En vérité, je vous le dis, si vous ne changez pas et ne devenez pas comme les petits enfants, vous n’entrerez jamais dans le royaume des cieux. »
Dans notre programme hebdomadaire Grandir en Amour, non seulement nous invitons les parents et les adultes à être présents pour accompagner les enfants, mais aussi nous les encourageons à amener leur enfant intérieur avec eux. Lors de la création du programme et de l’envoi des premières invitations, j’ai dit à tous mes amis : « Amenez vos enfants et ne laissez pas l’enfant en vous derrière vous... ». Et, par la Grâce Divine, j’ai eu l’honneur de voir de nombreux adultes participant à ce programme devenir plus authentiques, plus vivants, plus positifs, plus flexibles, plus connectés à leur nature originelle naturelle, plus généreux et plus enfantins.
On ne peut vivre sa croissance que lorsque l’on embrasse son enfant intérieur, lorsque l'on se connecte à lui, lorsque l'on devient cet enfant en soi. Dès que nous l’abandonnons, pensant que nous sommes désormais des « adultes », nous sabotons tout notre potentiel de croissance. C’est le problème de ceux qui sont dans un état « adulte » et qui croient avoir toutes les réponses. Ils arrêtent de chercher, ils arrêtent de regarder, ils arrêtent de questionner… Ils arrêtent de grandir ! À l’inverse, un enfant se pose beaucoup de questions et ne peut s'empêcher de poser des questions. Il ne cherche pas vraiment de réponse, mais il s’engage pleinement dans l’art de poser la question.
Combien de fois votre enfant a pu poser une nouvelle question alors que vous étiez encore en train de répondre à la précédente ? Poser des questions est un art, c’est même la moitié de la connaissance, ou même la totalité de la connaissance selon un enseignement prophétique. Les enfants se rassemblent autour de questions, c'est d'ailleurs là ce que sont les jeux. Ce qui les rassemble, c’est le voyage, et non la destination… La question, et non la réponse.
De la même façon, nos ancêtres se réunissaient autour d’un feu et veillaient sur ce feu… Le feu, c'est la quête… Les « adultes » ont tendance à croire qu’ils ont réponse à tout, mais la plupart du temps, ils ont perdu l’essentiel : l’art de questionner, la perplexité, la “hayra” : la quête. Or, il ne peut y avoir de révélation sans “Hira”... La révélation du Qor’an sur le cœur de Mohammed a été rendue possible grâce à ses longues retraites et méditations dans la grotte de Hira, qui signifie littéralement « quête »… Comme la Torah de Moïse n’a été possible que grâce au feu du buisson ardent !
➡ Pour aller plus loin, lire notre article Être en quête d'Allah, c'est n'être dérangé par rien
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