Étude du premier verset de la sourate al-Fatiha

Mar 20, 2024
SOURATE AL FATIHA

La première étude que nous pouvons entreprendre pour obtenir des clés de compréhension de la Parole Divine est celle de la première sourate du Qor’an dite “al-Fatiha” (ou Prière de l’Ouverture). Son nom comme la place qu’elle occupe dans le Livre Sacré nous renseignent sur sa fonction de clé qui permet de s’approcher du Sens de la Lettre que l’Intelligence Divine a offerte à l’humanité. La bonne compréhension de la Fatiha est donc la première clé à chercher. Nous allons voir, en proposant une lecture mot par mot, que ce premier verset est comme une graine que l’on doit planter. Il vient résumer à lui seul toutes les intentions que l’être humain doit nourrir et développer.  

 

 

Zoom sur "Al-hamdoulillah"

 

Comprendre la notion de "hamd"

Commençons par “Al-hamdoulillah”, habituellement  traduit par “Louanges à Allah”. Cette traduction est certes correcte, mais nous laisse un peu sur notre faim. Certes, il s’agit de se montrer reconnaissant envers le Divin, mais en réalité, pourquoi ? Pourquoi se montrer reconnaissant ? Pourquoi voudrions-nous Le louer ? Pour qui et pourquoi rendons-nous grâce?

Admettons que nous nous adressons à un philosophe, et j’entends, par philosophe, tout être humain libre et honnête en quête de Sagesse et de Vérité qui n’a jamais reçu de Prophète. Si l’on dit à notre ami philosophe : “Ta mission sur terre est de louer Allah”... Va-t-il s’en contenter de prime abord ? Il y a peu de chance… Il nous faut aller plus loin. 

En s’intéressant de plus près au mot “al-hamd”, on découvre qu’il vient de la racine “ha-ma-da”, racine qui a une origine commune avec deux autres racines : tout d’abord avec la racine “‘a-ma-da” (s’engager dans une démarche ou un direction), mais aussi avec “‘a-ba-da” (qui veut dire appartenir, développer un sens d’appartenance ou encore prendre la route). En effet, le “ha” et le “‘a”, tout comme le “ma” et le “ba” sont souvent interchangeables, et leurs prononciations sont très proches.

Ces trois racines ont la même origine et donc un même sens originel. Il est important de revenir à la source des termes pour comprendre le sens profond et premier des mots employés par l’Intelligence Divine pour interpeller et guider l’intelligence humaine. Si on pousse notre raisonnement, on voit que le terme “al-hamdoulillah” inclut le sens de “al-’amdoulillah” (je m’engage de façon préméditée, dans une démarche consciente et une direction  claire vers Dieu) et de “al-‘abdoulillah” (“l’appartenance de toute chose revient à Dieu”).

 

Lire aussi notre article Les musulmans dénigrent-ils les juifs et les chrétiens 17 fois par jour ? 

 

Comprendre le terme Allah

Nous pouvons donc traduire ce premier verset de la Prière de l’Ouverture de cette façon : “Le chemin de retour et la finalité des âmes est vers Allah”.

Nous pouvons traduire le terme “Allah” de la façon suivante : “le Tout Uni”, “l’Unique qui englobe tout”, “la Source” ou encore “l'Éternel”... Le Tout est Un, le Tout et Un…Le Tout ce Qui Est, l’Être…

Notre philosophe sera certainement plus intéressé et réceptif face à l’affirmation suivante : ”Ta mission dans cette vie est de prendre le chemin de retour vers la Source Infinie de toutes les manifestations, et donc vers Ta Source”... Voilà une réponse qui peut parler et satisfaire une personne qui a passé des jours, des semaines, des mois dans une grotte, habitée par une quête inassouvie… Car il ne faut jamais oublier que cette Révélation, cette ouverture, s’est produite dans le cœur d’une personne en quête… Une personne qui cherchait non pas à “louer Allah”, mais qui cherchait Allah Lui-même ! Qui cherchait le Sens, l’Essence, le Divin ! Qui cherchait un chemin de retour vers la Source Éternelle… 

 

Pour aller plus loin dans l'origine et la traduction du Nom "Allah", lire notre article Célébrer les demandes de pardon ? 

 

Zoom sur "Rabbi l-'alamine"

 

Zoom sur les termes "Rabb" et "al-'alamine"

La deuxième partie de l’affirmation, venant qualifier “Allah”, ce Tout, cette Source vers laquelle s’effectue le retour, est : “Rabbi l-’alamine”. 

“Rabbi” signifie “Le Maître Nourricier”, le Maître Enseignant”, “l’Essence Nourricière”, ou encore “le Responsable de la croissance et du développement de toute chose manifestée”. Le terme vient du mot “tarbiya”, qui veut dire “éducation”, “développement”, “enseignement”. 

Al-’alamine” est souvent traduit par “les univers”, terme remarquablement intelligent. Inutile d’être un expert en langue des oiseaux pour observer comment la composition même du mot “Unis-Vers” montre comment toutes les dimensions, toutes les manifestations, tous les êtres manifestés et manifestant l’Être, sont “unis-vers” le Tout, dans une direction de retour vers l’Essence Mère qui les a manifestées… 

Ainsi, “Rabbi l-’alamine” pourrait être traduit ainsi : “Le Maître Nourricier, l’Enseignant,  l’Essence Nourricière de toutes les dimensions d’existence, de toutes les potentialités de manifestation existantes”. 

 

Vous aimez nos enseignements ? Inscrivez-vous à notre formation en ligne L'art de parler à Dieu, dont voici un extrait : 

 

Mais là aussi, j’aimerais aller plus loin, et proposer une lecture qui vient non pas remplacer la précédente, mais s’y ajouter. On remarque que “al-’alam” (singulier de “al-’alamine”) veut dire “le monde”, alors que “al-’alim” veut dire “le connaisseur”.  Ces deux termes viennent de la même racine, et seule la voyelle de la syllabe centrale change. Une simple erreur de prononciation pourrait nous faire dire “al-’alimine” à la place de “al-’alamine”... D’ailleurs, c’est une prononciation qui existait dans une forme de récitation ancienne. On peut trouver dans cette autre prononciation une clé de compréhension précieuse et pleine de sens. 

Rabbi al-’alimine” voudrait donc dire “Le Maître, l’Enseignant de tous ceux qui sont en recherche active de connaissance”. En effet, lorsqu’un mot finit par le préfixe “-ine” ou “-oune” en arabe, comme ici dans “‘alimine”, il s’agit d’une forme progressive. Cela sert à désigner quelque chose qui est en voie de réalisation, une démarche.  

Nous pouvons donc traduire ce premier verset de la façon suivante : “Le chemin de retour, la finalité de toutes les âmes dotées de raison et investies dans une recherche active de connaissance est vers La Source, vers le Tout et Un, vers le Tout qui englobe tout”. 

 

Pour aller plus loin, lire notre article Soyez un étudiant de Dieu

 

Chemin et croissance

Ici, nous voyons bien l’idée de chemin, et de recherche de croissance prendre forme. Car il faut déjà comprendre que toute cette vie, est un chemin de croissance, un cheminement… En effet, une qualité intrinsèque à la quête de connaissance est le désir de l’évolution constante, et le refus de s’arrêter en chemin… Le refus de stopper sa quête et sa croissance.  Et que le plus grand risque est donc d’interrompre sa croissance, de l’avorter. Comment peut-on stopper sa croissance, me direz-vous ? Je vous répondrais : en s’arrêtant à un dogme… En devenant un “croyant” plutôt qu’un “croissant”… 

Permettez-moi, pour illustrer mon propos, d’utiliser plusieurs symboles. Tout d’abord, le symbole de la droite verticale, symbole de l’infini et de l'éternité… qui devient une croix lorsqu'une barre horizontale vient couper son chemin… Cette barre peut représenter un dogme qui vient figer, immobiliser et stopper ce qui devait être une quête continue et éternelle… Par “croissant”, je fais référence à un autre symbole : celui de la lune et de ses différentes phases et étapes : de la lune noire, au croissant qui apparaît et grandit jusqu’à la pleine lune, qui va ensuite décroître, disparaître, pour amorcer un nouveau cycle. 

Je tiens à préciser que si j’utilise le symbole de la croix ou du croissant ici, ce n'est en aucune façon une référence aux chrétiens ni aux musulmans, en tout cas pas en tant que “groupes religieux” … Car selon moi, cela ne relève pas d'une question de religion, mais plutôt d'une question d’approche et de positionnement intérieur. Si l’on suit la définition que je viens de proposer, les musulmans sont de nos jours plus dans la croyance que dans la croissance… Force est de constater que très tôt dans notre chemin, nous sommes  confrontés à la ligne du dogme qui nous stoppe dans notre cheminement, dans notre croissance, venant nous dire “crois, et tais-toi !”... Cette rencontre avec le dogme nous stoppe et nous fait stagner, tout en nous faisant croire que nous sommes des “bons croyants”, “bien guidés”... Sûrs de nous, sûrs d’être “sur la bonne voie”, sur “le bon chemin”... D’avoir “la bonne religion”, “la bonne approche”, “le bon Dieu”, “le bon livre”, “le bon Prophète”...  Mais qui peut garantir cela ? Parce que nos parents nous l’ont dit, ou parce que nous avons grandi dans une famille “musulmane” ? Certains d’entre nous sont certes nés dans cette éducation-là, mais combien parmi nous sont “renés” par la suite ? Combien vivent leur renaissance ? La plupart des gens ne naissent qu’une seule fois, malheureusement… Alors que le croissant renaît inlassablement, il n’est jamais figé ! Plus encore, il n’hésite pas à sauter dans le vide, à disparaître, et à affronter les ténèbres… 

 

Accepter de s'enterrer pour pouvoir pousser

Celui qui emprunte le Chemin de Dieu doit nécessairement sauter dans le vide à un moment donné… Quel vide, me direz-vous ? Le vide des croyances ! Le vide de tous les dogmes, de tout ce qui nous a été enseigné… Après tout, n’étais-ce pas là la démarche du Prophète Mohammed (que Dieu continue de nourrir son être, sa lumière, la force de son âme, son héritage spirituel ainsi que notre connexion à lui et à ses héritiers bénis) qui s’isolait dans une grotte ? Il était seul avec “Rabb al-’alimine”... Seul avec son Maître Enseignant qui veillait sur son cheminement, sur sa quête… Il s’est détaché de tout, des 360 croyances figées que la société voulait imposer en son temps… 

Une fois que l’on a compris cela, on peut s’autoriser à sauter dans le vide, car on sait que c'est Lui, le Rabb, le Cultivateur, qui va prendre soin de moi ! C’est Lui qui a fait en sorte que toute graine, avant de pousser, doit être plantée dans le noir, dans l’obscurité de la terre, et non en pleine lumière ! Il nous faut donc accepter de sauter dans le vide, accepter d’entrer dans la chambre noire, dans la méconnaissance… En d'autres termes, dans le “koufr”, terme que l’on trouve souvent traduit par “mécréance”, mais qui littéralement, signifie “se couvrir”, “se recouvrir entièrement”. D’ailleurs, le terme « kaafir » était utilisé anciennement comme  référence à l’agriculteur du fait de son action d’enterrer et de couvrir les graines. Une graine enterrée, doit être prête à oublier toutes les croyances acquises de sa vie avant plantation si elle voudra embrasser sa germination et dévoiler son potentiel de croissance. Sa relation avec la terre, l’eau et la lumière est maintenant différente. Ce qui était saleté, facteur de dégénérescence et de corruption est désormais facteur de croissance vers la découverte de nouvelles capacités enfouies…

 

Pour aller plus loin, lire notre article L'objectif de la religion est de nous faire grandir

 

La lecture de ce premier verset nous éclaire donc sur la finalité de notre existence. Nous sommes invités à un chemin de croissance sous le Regard du Maître Responsable de notre projet, de notre évolution , du Rabb. Et qui dit croissance, dit arbre… Et qui dit arbre dit graine. C’est dans la graine que se trouve tout le potentiel de croissance. C’est pourquoi je vois dans ce premier verset la graine de notre projet, car il porte en lui le potentiel d’une croissance infinie de l’être humain (et non une croyance…). Nous pouvons le traduire de cette façon : 

“Le chemin de retour, le but ultime recherché par toute les âmes conscientes engagées dans une quête de connaissance, de reconnaissance, d'existence et d’expérience, c’est le Tout Uni, l’Unique, la Source, le Tout qui englobe tout, l’Eternel, 

Lui qui est le Maître Enseignant et Accompagnateur, le Cultivateur de toutes les graines qui ont un potentiel d’existence, de connaissance et de croissance.”




Retrouvez la suite de cette série d'article sur les Clés de la compréhension de la Parole Divine dans un prochain article. 
Cet article vous a plus ? Pensez à partager vos réflexions et méditations avec moi en commentaire, que ce soit ici ou sur mes réseaux sociaux. Que Dieu vous bénisse, et à très bientôt. 

Restez connectés à nos publications !