Qui est le Prophète Jésus, celui que l’on nomme Issa en arabe ? Quelle est sa place et sa fonction en islam ? Le présent article en quatre parties tiré de la conférence donnée à Paris le 23 décembre 2022 s'intéresse à la trilogie de Issa que l'on découvre dans sa célèbre parole : "je suis la Vérité, je suis la Vie, je suis la Voie". Après nous être penchés sur la notion de Vérité dans l'article précédent, nous allons nous intéresser à la notion de Vie. Issa dit être la vie, mais qu'est-ce que cela signifie ? Nous allons voir que notre Bien-aimé Issa est venu sur terre en tant que porteur de la force de vie de l'esprit, et qu'en ce sens, il est venu comme un révivificateur de la religion : pour lui redonner vie et non pour la réformer, car il ne s’agit pas de changer la forme, mais de redonner vie au fond. Sa force de vie, héritée du Saint Esprit, lui a même donné le pouvoir de redonner vie aux morts...
Issa, la force de vie de l'esprit
"Je suis la Vie", nous dit Jésus. Le Prophète venu avant lui s'appelle Yahya (Jean), ce qui signifie en arabe "le vivant", ou "celui qui va vivre"...
La force de vie versus le poids de la mort
Dans ce "je suis la vie", on peut entendre : "je suis la force de vie versus le poids ou le fardeau de la mort". Car en chacun d’entre nous comme en toute chose de l'existence, se joue une lutte permanente entre la force de la vie et le poids de la mort.
Dans la religion, cette lutte entre la force de vie originale et le poids de la mort se joue autour des routines vidées de sens, des images et des habitudes ainsi que des sous-cultures que les gens ajoutent jusqu’à faire oublier la culture originelle. Ainsi, aucun message ou héritage prophétique n’est resté force de vie pure : du vivant de chaque Prophète, on trouve le poids et le fardeau de la mort en train de se développer autour de lui, alors qu’il s’applique, en tant que force de vie, à arracher inlassablement ce poids de la mort et à ramener encore et encore une nouvelle force de vie.
C’est pour cela que Dieu n’a de cesse de nous appeler à la vigilance en nous disant : "itaqillah" ! Ce qui signifie d’un côté : “couvrez-vous par la Grâce de Dieu, développez votre conscience de Sa Présence”, mais qui vient aussi de "taqawwa billah" : “cherchez la force en Dieu”. Cherchez la force de Vie en Dieu, soyez forts ! Ne basculez pas dans la mort ! Renouvelez votre foi sans arrêt, revivifiez et ravivez votre flamme intérieure afin de pouvoir briller et chauffer comme une lampe ! Accueillez la vie, que votre religion ne devienne pas une structure morte !
La Vie du Message
Voilà pourquoi Issa a dit "je suis la Vie", car lorsqu'il est venu sur terre, la religion était devenue un corps sans âme. Elle était très affaiblie, au point que les deux Prophètes, Zakariya et Yahya venus avant lui ont été tués pour des raisons incroyablement futiles, en toute inconscience. Ainsi, lorsque Jésus dit “je suis la Vie”, il faut comprendre : “je suis la Vie de ce message de Moïse, ô vous qui prétendez suivre le message de Moïse”. “Je suis la Vie de la Torah, ô vous qui prétendez lire la Torah”.
En d’autres termes : vous êtes en train de lire des lettres sans esprit, et moi, je suis l'esprit des lettres ! Vous êtes en train d'appliquer des lois sans esprit, je suis l'esprit des lois ! Vous êtes en train de vivre votre religion sans âme, sans goût, sans enivrement, sans vin… donc en vain. Car, quelle est la raison d’être d’une religion qui ne t'amène pas à des états spirituels, d’une religion sans spiritualité ? Cette religion n'est alors plus digne d'être appelée “religion”, tout simplement parce qu'elle ne fait plus son travail de relier l'être humain à son Origine et à sa Source.
Retrouvez la partie précédente de cet article ici
Issa le revivificateur
Revivifier et non réformer
Issa leur a donc dit : “je suis la Vie”, en d’autres termes : je suis venu pour ramener l'esprit de vie. Je suis un revivifiant et un revivificateur de l'esprit des lois, une force de transcendance de la forme.
Le terme “revivificateur” est important ici. Issa n'est pas un réformateur ni un révisionniste. Il ne s’agit pas d’être dans la simple révision ou la réforme. Voilà une chose qu’il nous faut comprendre : si l’on ressent un besoin de renouveau, et c’est absolument vrai et nécessaire, alors, ce n'est pas à travers la réforme de la forme qu’on y parviendra. C’est plutôt en cherchant avant toute chose l'esprit de la vie dans cette forme que l’on pourra, avec notre souffle d'amour, accueillir le souffle de cet Esprit. C’est en retrouvant l'esprit que l’on ramènera les lois à la vie, et non pas en s’en débarrassant et en les remplaçant par une autre forme. La coupe est là, nul besoin de la jeter ! Le besoin est plutôt de la présenter de la bonne manière, ouverte vers le ciel, prête à accueillir la Vie et la Grâce.
Retrouvez la conférence dont est issu cet article dans notre Podcast Co-naissance : Issa, l'Homme et Prophète
Transcender la forme avec la Vie de l'esprit
Ainsi, le problème n'est pas dans la forme de la religion, et il est important d'être conscient de cela. Certains sont tentés de rejeter la forme sous prétexte de chercher à la transcender, mais il ne faut pas confondre transcendance de la forme et abrogation de la forme. Abroger n'est pas transcender, et de toute façon, une forme ne peut-être abrogée que par une autre forme. La transcendance est une réalité spirituelle pure qui nous enseigne que pour être vécue, nous avons besoin de la forme. Ce n'est donc pas en ignorant ni en modifiant la loi que l'on parviendra à la transcender, mais plutôt en voyant en elle la voie, la foi et la vie. En la vivant plutôt qu'en la subissant.
Il est vrai que notre communauté religieuse vit une crise. Sans aucun doute, nous avons besoin de la lumière, nous avons besoin du souffle de vie. Nous avons besoin d'un renouveau. Mais nous devons apprendre la leçon que nous donne notre Bien-aimé Issa, lui qui ne s’est pas présenté comme un réformateur venu amener de nouvelles lois. Il a laissé cette fonction au Prophète Mohammed des siècles plus tard. Lui n’a même pas abordé la question de la loi en réalité, même si certaines d’entre elles étaient clairement des ajouts humains, il a choisi de garder le silence. Il a choisi de ne pas soulever cette question-là, tout simplement parce qu'il y avait une question prioritaire. Comme s’il disait : “Je suis la Vie : je ne suis pas venu pour amener une nouvelle forme, un autre réceptacle ou une autre coupe. Je suis venu pour remplir la coupe avec l'Eau de Vie”.
Pour aller plus loin sur la notion de force de vie dans la pratique religieuse, visionnez notre vidéo "La spiritualité dans nos vies" :
L'héritage de Issa reçu du Saint Esprit : redonner vie aux morts
Issa, "fils spirituel du Saint-Esprit"
Bien que Jésus n’ait pas de père, on pourrait, si on voulait vraiment lui attribuer une paternité spirituelle, le présenter comme le fils spirituel du Saint-Esprit. Bien sûr, on ne parle pas ici d’un père physique ni biologique. D’ailleurs, il n’a même pas touché le corps de Maryam pour que le fœtus de Issa apparaisse en son sein. Il n’a eu qu’à se manifester devant sa Sainte Mère Marie pour que le miracle de cette fertilisation se produise, sans aucun contact.
Mais qui est ce Saint-Esprit ? Comment est-il ? En arabe, on le nomme “Jibril” ou “Jibraïl”, ce qui signifie “la force de l'esprit”, “l'esprit en force”, “la force et le renfort spirituels”. On l'appele également ar-Rouh, qui veut dire “le Souffle Divin”. Le Saint-Esprit est immense, il englobe tout l'univers avec ses 360 ailes dans le monde de la manifestation. Et en réalité, toute la vie et chaque être vivant baigne dans le Saint-Esprit.
À ce moment de manifestation, Maryam était l’épicentre de la présence du Saint-Esprit à laquelle elle s’est éveillée. Et là, l'œuf de Jésus, qui était en elle depuis sa naissance, s’est également éveillé et a été fertilisé. Nous avons dit dans un des articles précédents que les femmes naissent avec tous leurs ovules déjà présents en elles. Le potentiel de vie est déjà dans la matrice de la femme, dès sa création physique dans le ventre de sa propre mère. Cela explique pourquoi le père et la mère de Maryam avaient annoncé qu’ils seraient les parents du Messie alors que Hanna était enceinte de Maryam. Car l'œuf de Jésus était déjà en Maryam lorsqu'elle n’était qu’un fœtus dans le ventre de sa maman.
Le Saint-Esprit n'a donc fait que manifester ce potentiel et le fertiliser, et c’est toujours ce que fait le Saint-Esprit en réalité. Sidi Ahmed al-Alawi nous enseigne à ce sujet que c'est la même chose dans la relation entre l'élève et son enseignant spirituel. Le secret de l'élève est déjà en lui, le maître spirituel ne va faire que le révéler. Il n'est là que pour jouer ce rôle de renfort, de révélateur de la force intérieure, de la force de l'âme, non pour apporter quelque chose d'extérieur.
Ainsi, si on veut voir les choses sous cet angle, le “père” de Issa serait le Saint-Esprit, lui dont le nom en arabe renvoie à la Force de l'esprit, l'Esprit en force, le Souffle Divin.
Issa peut ramener le mort à la vie
Ainsi, cette filiation de l’Esprit était inscrite dans la chair, dans l’ADN de Jésus. Et cela explique pourquoi il parvenait à redonner vie aux choses même sur le plan biologique, comme par exemple cette fois où il a façonné un corps d'oiseau en argile dans lequel il lui a suffi de souffler pour que le morceau d’argile prenne vie et devienne un oiseau. Ce n’est qu’une anecdote parmi tant d’autres, lui qui guérissait les malades, et ramenait les gens morts à la vie…
Cela vient de cette force de l'esprit qui était inscrite dans sa génétique, comme s’il avait des “chromosomes” du Saint-Esprit dans chacune de ses cellules. Il lui suffisait de toucher le mort pour que ce dernier revienne à la vie, juste par sa parole : “Sois ! Par la permission de Dieu”. Il était un miracle marchant sur terre. Sa présence était une présence de force de l'esprit, et Dieu sait combien cet esprit doit être fort pour ramener à la vie une religion réduite à ses cendres…
Ainsi, en nous disant "je suis la Vie", Issa nous dit : “Je suis un revificateur de l'esprit des lois, et non pas un simple réviseur. Je suis une force de transcendance de la forme.” Comme nous l'avons vu, transcendance de la forme ne veut pas dire abrogation de la forme. Si l'on abroge, on ne peut transcender ! En effet, ce n'est pas en ignorant ni en modifiant la loi que l'on peut la transcender. On la transcende plutôt lorsque l'on voit la voie, la foi et la vie en elle. Lorsqu'on la vit, pas lorsqu'on la subit. C'est de cette façon que l'on peut transcender la forme, comme on ne peut transcender la terre en montant au ciel... On doit garder les pieds sur terre ! La transcendance est une réalité spirituelle pure.
Issa est donc une force de transcendance de la forme sans s'en détacher, et non pas une simple réforme. Car lorsqu'il dit “Je suis la Vie” c'est surtout en se référant à cette religion qui était à cette époque devenue morte... La religion fonctionne comme une langue en vérité : il existe des langues vivantes qui servent à la communication et des langues mortes qui ne servent plus à communiquer, et que l’on trouve dans les livres anciens et dans les musées. De même, il existe des religions mortes et des religions vivantes. Une religion vivante, c'est une religion qui sert à la communication et à la communion, une religion qui établit la connexion entre l'être humain et son Seigneur. D’ailleurs, la religion qui n'a pas de "salât" (qui veut littéralement dire “connexion”) n'est pas une religion. C'est d('ailleurs ce que nous dit le Prophète Mohammed (que Dieu continue de nourrir son être, sa lumière,; la force de son âme, son héritage spirituel et notre connexion à lui) lorsqu'il enseigne que :
"La religion, la relation à Dieu (ad-dine), c'est la salât."
Le mot salât peut ici désigner la prière rituelle que nous effectuons au minimum cinq fois par jour, mais ce terme est plus large en réalité, et signifie "connexion". Ainsi, on peut comprendre cette parole prophétique de cette façon : pas de religion sans prière. On peut également le comprendre de cette façon : pas de religion sans connexion. La connexion avec la Source, avec l'Origine est l’essence même de toute religion, et c’est pourquoi une religion se mesure au nombre d’hommes vivants, au nombre de saints qu’elle produit. Une religion qui ne produit pas de saints est une religion qui a prouvé sa stérilité. Une religion avortée, une religion morte.
En ce sens, nous allons voir dans l'article suivant en quoi Jésus disait vrai en disant “je suis la Voie” : la Voie de la sainteté.