Les piliers du tawaf d'adieu

pèlerinage/hajj vivre en harmonie avec le divin Jul 01, 2023
Tawaf d'adieur


Le tawaf d’adieu, qui vient conclure les rites du Hajj, repose sur trois piliers. Tout d'abord, il s'agit de développer son attachement aux symboles de Dieu, la Ka'ba étant un symbole dont le rôle est de nous rappeler Dieu. Lors de ce tawaf d'adieu, nous sommes invités à nous accrocher à la Ka'ba dans un geste que l'on nomme le multazam. Enfin, en faisant nos dernières tournées autour de la Maison Sacrée, nous sommes en train de lui signifier notre engagement, notre responsabilité envers elle, et de lui dire "je ne t'abandonnerai jamais".  

 


Premier pilier : s’attacher émotionnellement aux symboles de Dieu 

L’attachement émotionnel fait partie de l’intelligence spirituelle. L’être humain doté d’intelligence spirituelle développe des attachements émotionnels aux symboles de Dieu, aux Hommes de Dieu, aux endroits qui lui rappellent Dieu… Ainsi, bien que Dieu n’habite pas dans la Ka’ba, on la nomme Maison de Dieu, tout simplement parce qu’il s’agit d’une maison, une bâtisse qui est associée à Dieu. Attention, nous ne disons pas qu’elle est une associée DE Dieu comme le seraient des idoles (Dieu n’a pas d’associé) mais plutôt qu’elle est associée À Dieu : elle est un symbole de Dieu, son rôle est de nous rappeler Dieu. Du fait de cette association, les Amis de Dieu et les êtres humains intelligents spirituellement s’attachent émotionnellement à cette construction et aux pierres qui la constituent.

Tout un imaginaire s’est construit au fil du temps autour de la Ka’ba, Maison drapée de noir qui a été comparée dans les œuvres spirituelles à une femme vêtue d’un voile noir. En effet, il faut savoir qu’auparavant, dans de nombreux pays, et ce jusque dans les années 1930-40 pour un pays comme la Tunisie par exemple, plus une femme était noble, plus son vêtement était noir, opaque, et épais. Les femmes pauvres ne portaient pas la couleur noire qui était réservée aux nobles. On voit là le symbole que représente ce choix de tissu en soie noir et dorée de la Ka’ba, couleurs que portaient les reines et les filles des chefs de tribus des alentours.

 

 
 

 

Au niveau émotionnel, la Maison Sacrée est donc associée à une reine… Elle est notre Dame, notre reine que l’on retrouve nommée Layla dans les poèmes les plus enflammés qui nous parlent de cet amour de la Ka’ba, notre Dame d’Abraham, notre Dame de la Mecque. Et lorsque vient le moment de partir, ceux qui ont un cœur vivant ne peuvent pas juste tourner le dos et la quitter. Ils viennent présenter leurs adieux, le cœur brisé à l’idée de la séparation qui s’annonce. On voit même les Amis de Dieu quitter les lieux en marche arrière, jusqu’à ce que l’image de la Ka’ba disparaisse à leurs yeux ou au pire partir en se retournant presque à chaque pas qui les éloigne de la Maison. Car il ne sied pas à l’amoureux de quitter sa bien-aimée sans lui montrer les plus grands égards.

C’est le minimum pour celui qui a développé l’art de vivre et d’interagir avec les symboles de Dieu (adab). Cet art de prendre congé a été développé avec les autres symboles de Dieu également : on applique la même règle à son guide spirituel et également lorsqu’on visite les tombeaux des saints. C’est une pratique commune chez les gens spirituels de ne jamais tourner le dos, de partir à reculons. D’ailleurs, plusieurs compagnons ont fièrement raconté qu’ils n’avaient jamais tourné le dos au Prophète (que Dieu continue de nourrir son être, sa lumière et notre connexion à lui), que ce soit de son vivant ou après son départ de ce monde physique et matériel. Le tawaf d’adieu est là pour combler ce besoin émotionnel et pour développer notre intelligence émotionnelle.

 

Pour aller plus loin, lire notre article Hajj et développement émotionnel

 


Deuxième pilier : le “multazam” 


Avant de quitter le Sanctuaire Sacré, le Pèlerin, durant son tawaf d’adieu, doit venir coller son corps à la Ka’ba et s'accrocher au seuil de la porte qui se situe en hauteur. C’est ce que l’on appelle le "multazam", une chose que le Prophète Mohammed (que Dieu continue de nourrir son être, sa lumière et notre connexion à lui) a faite. Ceux qui sont capables doivent le faire, et ceux qui n’y parviennent pas faute d’accessibilité doivent le faire à un autre endroit de la Maison.

“Multazam” vient du mot “iltazama” qui veut dire deux choses : 

  • prendre dans ses bras avec force (ce qui nous renvoie à l’attachement émotionnel évoqué ci-dessus)
  • s’engager. 

 


D’ailleurs, l’engagement lié à ce moment particulier se ressent dans la prière que le Prophète (que Dieu nous connecte à sa lumière) a formulée lorsqu’il a lui-même effectué ce geste pour montrer son amour à cette Maison qui est la Maison de Dieu, la Maison des Prophètes, la Maison Ancestrale que Dieu a bâti pour les siens, les gens de la Maison (ahl ul-bayt). Il n’a cessé de déclarer :

 

“Ô mon Maître Cultivateur de mon âme, je m’engage à ne jamais revenir au péché, je m’engage à rester attaché, (...) Si tu ne m’as pas encore pardonné, pardonne- moi maintenant, avant que mon corps ne se décolle de cette Maison. Je n’ai rien d’autre que Toi !”

 

Comme si l’urgence était absolue... Comme si, après ce moment, il n’y aurait plus d’issue ! Il s’agit d’un engagement au repentir dans son summum.

 

Pour aller plus loin, lire notre article Faire le Hajj ou rendre visite au prophète Mohammed ? 

 

Troisième pilier : je ne t’abandonnerai jamais 

Il faut également replonger dans l'histoire de notre Maître Ismaïl (que Dieu continue de nourrir son être et nous connecte à lui), qui a pris soin de l’édifice après le départ de son père. Lors du tawaf d’adieu, c’est comme si l’on disait à Ka’ba : “je ne t’abandonnerai jamais”, comme lui l’a signifié en son temps.

 

 

Plongez dans l'histoire du Prophète Ismaïl en visionnant notre vidéo dédiée :

 

Qu’est-ce qu’exprime le tawaf en tant que mouvement, le tawaf en “langue des signes” si l’on peut dire ? Car il faut comprendre que toutes les opportunités d’exprimer et de cultiver notre appartenance à Dieu que nous sommes invités à vivre en islam peuvent être vécus comme une langue des signes. Les mouvements pourraient se faire sans un mot, juste mus par une intention bien travaillée et une attention aiguisée, et ils seraient valides.

Même la prière méditative rituelle (salat) est concernée. En effet, une des écoles de droit musulman (l’école hanafite) dit qu’elle serait valide, même si la personne ne récite aucun mot, mais qu’elle ne fait que vivre et incarner le mouvement de la prière… De la même manière, tout le Pèlerinage est une expression corporelle, un langage des signes, et le tawaf d’adieu est en quelque sorte le cri du cygne du Pèlerin. C’est son dernier et son plus bel acte, et le dernier tour avant de partir… Et il ne sait pas s’il reviendra un jour, il doit vivre ce moment comme étant sa dernière fois avec la Ka’ba, sa dernière rencontre, son dernier tour…

Lors du dernier tour, on dit donc à la Maison de Dieu : je ne t’abandonnerai jamais, je remplirai toujours mon rôle. Et notre rôle envers le Temple Sacré est un rôle multiple : nous sommes ses enfants, ses amoureux et aussi, nous sommes ses protecteurs. Le chercheur de Dieu doit remplir sa mission comme l’enfant fidèle qui prend soin de la maison de ses parents, et aussi comme tuteur (wali), le protecteur, le gardien de la Maison de Dieu en veillant sur elle, même de loin. 

Notre Maître Abraham (que Dieu nous connecte à lui) a formulé une prière en ce sens lorsqu’il a quitté la Maison qu’il venait de bâtir. Car si le tawaf n’était pas son rituel, on sait en revanche qu’il a bien fait ses adieux à la Maison, puisqu'il a quitté ce monde terrestre sur une autre terre, en Palestine. Il a effectué son travail de construction, a planté ses intentions dans chaque pierre, puis est parti en regardant la Ka’ba de loin. Il a alors prié pour toute la ville, pour l’endroit et ses habitants présents et à venir...

 

Pour aller plus loin, lire notre article : Fais de Dieu le centre de ta vie 

 

 

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